vendredi 15 mai 2009

Grand entretien avec le candidat KANE Hamidou Baba , par Anthioumana

« Au cas où je serais élu, ma priorité serait de relancer le dialogue national à travers un gouvernement d’union nationale »





Jeudi dernier, en escale de quelques heures, à Tunis, le vice-président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), candidat à l’élection présidentielle et chef de file de la tendance favorable à cette dite élection en Mauritanie, en route vers l’Europe, a levé le voile sur les raisons de son voyage, ses dernières tournées, mais aussi a dévoilé ses ambitions pour la Mauritanie, le Maghreb et l’Afrique.



Quel est l’objectif de votre périple pour l’Europe via la Tunisie ?

Je compte beaucoup d’amis en Tunisie. C’est un pays que je fréquente depuis une dizaine d’années et que je n’ai pas visité, il y a de cela, deux ans. Face à l'élection présidentielle prévue le mois prochain, je me devais d’informer les compatriotes mauritaniens en Tunisie et, surtout, les inciter à s’inscrire et à s’engager dans cette campagne, car c’est, pour la première fois, que les Mauritaniens de l’étranger voteront. Ceux résidant en Tunisie méritent, à mon sens, d’être informés et sensibilisés quant à mon programme électoral, au même titre que les Mauritaniens d’Europe. La Tunisie est, donc, une étape du voyage que j’entreprends actuellement et qui me mènera en France, en Espagne et en Belgique. C’est une visite de prise de contact avec les différentes communautés basées dans ces pays, mais aussi une rencontre avec les parlementaires européens. Je saisirais également l’occasion pour leur faire part de la situation politique au pays et les préparatifs des prochaines élections afin qu’ils puissent avoir une compréhension de toutes ces questions d’une actualité brûlante.

Pourquoi avez-vous décidé de prendre part aux élections présidentielles du 6 juin prochain contre le gré du président de votre parti, Ahmed Ould Dadah, ancien candidat malheureux à la dernière présidentielle ?

Les rasions à l’origine de ma candidature sont multiples. En effet, je suis parti du constat, selon lequel, le dialogue politique en Mauritanie est bloqué. Tous les acteurs politiques, y compris, ceux qui ont boycotté la prochaine élection à l’instar du Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD), du RFD, entre autres, reconnaissent tous, aujourd’hui, la nécessité d’aller à cette élection. Mais les fractions l’ayant boycotté veulent imposer une certaine surenchère qui rend difficile voir nulle le dialogue politique. En tant que responsable politique, j’ai jugé nécessaire que je dois commencer par balayer devant ma porte. Ce faisant, j’ai invité mon parti et Ahmed Ould Dadah à l’organisation d’un débat démocratique interne au sein du parti afin de s’assurer des garanties politiques pour une participation à cette échéance électorale. Malheureusement, le président n’a pas voulu s’engager dans la voie du dialogue interne qui pourrait permettre au parti de prendre une décision claire et nette. Il s’est attelé à camper sur sa position consistant à vouloir boycotter l’échéance électorale à venir, sachant que notre parti, dans sa majorité, est favorable à cette élection. Il prétend que même, un militaire démissionnaire, n’a pas le droit de se porter candidat. Le président Ahmed Ould Daddah a fait donc obstruction au débat interne au sein du parti, débat, auquel j’ai invité toutes les composantes de notre formation. Cette position allait conduire le parti directement vers une décision de boycott contre le gré de ses différentes instances. Face donc à cette situation de blocage, le Bureau Central ainsi que d’autres courants et moi-même avons pris nos responsabilités, en manifestant notre intérêt à prendre part à la prochaine échéance. Ce choix est motivé par trois raisons. La première est que nous avons l’expérience de boycott de 1992. Les leçons que nous en avons tirées, c’est de ne plus boycotter aucune élection et d’exploiter tous les espaces qui nous seront offerts pour l’amélioration de la démocratie. La deuxième raison est que le boycott ne fait pas partie de notre culture. En effet, un parti politique ne peut pas empêcher ses militants d’aller voter, en plus forte raison, empêcher la tenue des élections. La troisième est que, puisqu’un parti ne peut ni empêcher ses militants d’aller voter ni s’opposer à la tenue d’une élection, pour quoi ne doit-il pas prendre à celle-ci pour montrer qu’il existe et qu’il a une assise populaire.

Vous venez d’entreprendre une visite dans les régions de Guidmakha, du Brakna du Gorgol et du Trarza, quel est le bilan de ce périple ?

Je peux vous avouer, d’avance, que le bilan de cette tournée est extrêmement positive. J’y suis revenu avec le sentiment que les régions participeront massivement aux élections et que la plus grande tendance est favorable à mon programme électoral. Au Brakna, les sections de Mbagne, Bababé et de Boghé ainsi que les élus des trois communes sont favorables à une participation à la présidentielle et à mon programme électoral. Au Trarza, nous avons enregistré d’importants soutiens dans les six départements, particulièrement à Rkiz, Kemarcéne et à Boutelimit. Le bilan est également une adhésion totale de nombreuses personnalités des différents partis de l’UDP, de l’AJD, du PRDR, entre autres, à mon programme. Au Guidimakha, les deux sections de Ould Yengé et de Seilibabi, en plus des parlementaires de Guidimakha, ont signé une déclaration de soutien total à la tendance favorable à ma participation à l’élection présidentielle et au programme de ma campagne. Au Gorgol, c’est le même sentiment. La Fédération et l’ensemble des élus locaux sont déjà en campagne de soutien à ma candidature.

Selon le résultat de l’élection présidentielle du 6 juin prochain, comptez-vous former un gouvernement d’union nationale au cas où vous serez élu ou, dans le cas échéant, allez-vous participer à un gouvernement de large ouverture ?

L’une des raisons de ma candidature, c’est que, le dialogue est encore bloqué en Mauritanie. Au cas où je serais élu et je n’en doute pas d’ailleurs, ma priorité serait de relancer le dialogue national à travers la mise sur pied d’un gouvernement d’union nationale. Celui-ci entreprendra des reformes majeures dont le redécoupage administratif électoral, l’élaboration d’un code électoral fiable et concerté. Le gouvernement aura aussi à gérer pendant 9 mois une phase intérimaire devant conduire à des élections législatives en 2010. Ces élections seront précédées d’un referendum constitutionnel visant, entre autres, la suppression du sénat et la création d’une haute chambre de collectivités locales. C’est, en quelque sorte, un équilibre au sein du pouvoir exécutif avec le renforcement des prérogatives du 1er ministre.
Dans le cas échéant, je serais partant d’un gouvernement d’union nationale, mais au cas où celui-ci prendrait en considération, mon programme, et que les conditions du succès d’un tel gouvernement, seraient réunies.

Le règlement du passif humain est en cours, mais le chemin pour la réinsertion définitive des réfugiés dans la vie active reste encore long et parsemé d’embûches. Quelles mesures comptez-vous entreprendre pour l’accélérer et régler définitivement leur intégration ?

La question des réfugiés est conjoncturelle et douloureuse à la fois. Elle mérite qu’on lui trouve des solutions très concrètes et durables. Il s’agit de la condition de vie et de la dignité des hommes, des femmes et des enfants qui sont en jeu. Au cours de mes dernières tournées, j’ai visité deux sites des réfugiés au Brakna et au Trarza. J’ai constaté que leurs conditions d’hébergement et de nourriture nécessitent une amélioration. Je ne parle pas de leur insertion. Il y a des actions urgentes à entreprendre dans ce sens en termes d’accès à l’eau potable, de nourriture, de l’éducation et de la santé. Encore, des différents volets insuffisants restent à prendre en considération à l’instar la récupération de leurs sites d’origine, de leurs terres agricoles, le règlement de leur état civil, mais aussi toutes les questions entrant dans leur insertion rapide dans un tissu social suivant leur condition socioéconomique.

Au niveau maghrébin, on sait que l’Union du Maghreb Arabe est en panne depuis quelques années. Que comptez-vous faire pour relancer cette union ?

La Mauritanie est un pays islamique arabe et africain. Elle doit assimiler cette triple appartenance qui doit se refléter à travers sa politique extérieure et qui doit être un aspect de sa politique intérieure. Pour avoir une bonne politique extérieure, il faut avoir une bonne politique intérieure. Je rappelle, à cet effet, Napoléon qui disait : « Faites moi une bonne politique extérieure, je vous ferai une bonne politique intérieure. » Pour être conforme à cette vocation, la Mauritanie doit participer à l’édification des organisations sous-régionales, comme l’UMA, l’OMVS, la CEDEAO, entre autres.

Mais la Mauritanie a quitté la CEDEAO, il y a quelques années. Au cas où vous serez aux commandes, quelle action comptez-vous entreprendre afin qu’elle réintègre celle-ci ainsi que d’autres organisations sous régionales et africaine?

Je suis favorable à un retour de la Mauritanie dans le giron de cette organisation ouest africaine qui unit les pays ayant le même destin et des peuples disposant d’un même passé culturel. En 1999, lorsque la Mauritanie avait décidé de quitter la CEDEAO, elle l’a fait pour des rasions sécuritaires et d’une façon irréfléchie, d’autant que la balance commerciale avec les quatorze ou les quinze pays était excédentaire. Seul avec le Sénégal, cette balance s’était montrée déficitaire. Ceci est dù au fait que les commerçants mauritaniens faisaient transiter leur marchandise par Rosso. Au-delà de l’échange purement économique, la Mauritanie a intérêt à développer des échanges culturels et religieux avec tous les pays de la CEDEAO. Elle a tout intérêt aussi à ne pas s’isoler d’un ensemble d’Etats aussi important que la CEDEAO. Bien au contraire, elle doit s’intégrer dans toutes les organisations régionales tout en gardant ses spécificités culturelles, économiques etc. En ce qui concerne l’UMEOA, je ne suis pas un partisan de l’intégration de la Mauritanie dans cette organisation pour la simple raison qu’elle pourrait devenir une concurrente de la CEDEAO. Par contre, je suis pour le fait que la Mauritanie soit membre de l’Organisation de l’Administration des Droits des Affaires (OHADA) qui œuvre pour l’organisation d’un espace judiciaire sécurisé par le droit des affaires en Afrique.

Comment réagissez-vous par rapport à l’attitude certains députés lors de l’ouverture de la dernière session extraordinaire de l’Assemblée Nationale la semaine dernière ?

Les députés ont le droit de s’opposer mais de façon civique et démocratique à toute décision qu’ils jugent, pas conformes à leur intérêt et à celui de leur parti politique. Mais il aurait été plus heureux qu’ils participent au débat et proposer leur point de vue. A l’Assemblée Nationale, les débats sont libres et démocratiques. Ils auraient pu « positiver » l’atmosphère et être constructifs, s’agissant de tous les sujets et débats démocratiques.


Propos recueillis par Anthioumana

Source: http://www.mauritanies1.com

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