lundi 18 mai 2009

Ely Mohamed Ould Vall est concerné par la plainte contre Taya en Belgique, selon l'AVOMM



Le président Taya poursuivi en Belgique : La plainte des victimes d’exactions jugée recevable 

Wal Fadjri 

La situation politique en Mauritanie ne préoccupe pas seulement les Mauritaniens qui vivent à l’intérieur des frontières de ce pays. Sa diaspora est également inquiète. C’est le cas de Moussa Sy, chargé des droits de l’Homme de l’Association Aides aux veuves et orphelins des militaires de la Mauritanie (Avom). Il soutient, dans l’entretien qu’il nous a accordé à Paris, que si son pays est arrivé à cette situation, c’est parce que les partis politiques ont tous échoué. Pire, il les accuse d’avoir ‘un caractère tribal ou ethnique’. C’est pourquoi il se dit pessimiste quant à la médiation que le président Abdoulaye Wade est en train de mener pour sortir le pays de la crise. Dans cette interview, il est également revenu sur la plainte déposée par son association contre Ould Taya sur le bureau du tribunal fédéral de Belgique.

Wal Fadjri : Vous venez de la Belgique où vous avez été entendu sur la plainte que vous aviez déposée contre l’ancien président mauritanien Maouiya Ould Sid Ahmed Taya. Mais où en êtes-vous avec cette plainte ? 
Moussa Sy : Contrairement aux rumeurs faisant état que l’Avom envisage de retirer sa plainte contre Maouiya Ould Taya, celle-ci suit son cours. Nous avons été à Bruxelles sur convocation du parquet fédéral. Les auditions ont commencé. Notre représentant à Bruxelles a été auditionné ; le président de l’Avom (Ousmane Sarr) également. La plainte a été jugée recevable. Notre avocat a mis en place tout ce qu’il faut. Nous avons eu avec lui une séance de travail. Maintenant, nous attendons que les auditions se terminent. 

Wal Fadjri : Pourquoi la plainte a-t-elle pris un si long temps pour être examinée ? 

Moussa Sy : Elle a tardé à être examinée parce que, pendant très longtemps, Maouiya était au pouvoir. Il s’y ajoute que le juge fédéral qui détient tout le dossier, n’avait pas le temps. Mais par notre persévérance, nous avons fini par faire déclencher la procédure des auditions.

Wal Fadjri : Combien de victimes ont été entendues dans le cadre de ces auditions ? 

Moussa Sy : Pour le moment, deux personnes ont été entendues sur une centaine de plaignants. Le rythme des auditions est fixé par le juge fédéral de Bruxelles. 

Wal Fadjri : Pourquoi ne pas renoncer à la plainte pour une réconciliation du peuple mauritanien d’autant plus que Taya n’est plus au pouvoir ? 

Moussa Sy : On ne peut pas renoncer à la plainte parce que des crimes ignobles ont été commis, avec leurs lots d’exécutions extrajudiciaires, de fosses communes. Ce sont des innocents qui ont été massacrés. On ne peut pas laisser tomber parce qu’on ne veut que de telles choses se répètent en Mauritanie ou ailleurs. Par conséquent, leurs auteurs doivent répondre de leurs actes devant la justice. 

Il y a des choses qui ne sont pas pardonnables. Nous ne pouvons pas être victimes de cruautés aussi inacceptables et accorder un pardon sans que la lumière ne soit faite sur les différents responsables. Voilà pourquoi nous n’allons jamais renoncer à cette plainte. 

Wal Fadjri : Combien y a-t-il de plaignants ? 

Moussa Sy : Il y a une centaine de plaignants. Certains sont au pays (Mauritanie, Ndlr), d’autres en Europe. Tout le monde ne sera pas entendu. Mais beaucoup le seront, particulièrement les militaires, des veuves et des orphelins. 

Wal Fadjri : Ould Taya sera-t-il entendu dans le cadre de cette plainte ? 

Moussa Sy : Nous gardons espoir, car de grandes personnalités ont été entendues par d’autres instances. Nous attendons beaucoup de cette plainte et nous sommes certains que cela va aboutir parce que le dossier bien ficelé. 

Wal Fadjri : Comment va s’organiser le procès ? Etes-vous prêts sur le plan financier d’autant plus qu’il faut aller à Bruxelles à chaque fois et payer des avocats qui vous défendent ? 

Moussa Sy : Ce procès n’a pas de prix. Cela dit, l’Avom est une association bien structurée, bien solide, qui a ses propres moyens, qui a déjà fait ses preuves. Nous avons ainsi les moyens de financer toutes les procédures de cette plainte. 

Wal Fadjri : Avez-vous évalué le coût de cette plainte ? Combien va-t-elle coûter ? 

Moussa Sy : Nous avons déjà réglé un certain montant. Pour l’instant, c’est l’Avom qui finance tous les déplacements, qui paie les honoraires des avocats. 

Wal Fadjri : Combien avez-vous déjà dépensé ? 

Moussa Sy : Pour le moment, on est entre 12 000 à 15 000 euros (7 millions 871 mille 484 francs Cfa à 9 millions 839 mille 355 francs Cfa, Ndlr). Nous faisons tous ces efforts financiers pour amener Ould Taya et ses complices devant le tribunal de Bruxelles. 

Wal Fadjri : D’un côté, vous maintenez votre plainte et, de l’autre, vous réclamez le règlement du passif humanitaire. N’est-ce pas un peu contradictoire ? 

Moussa Sy : C’est tout à fait normal que l’on réclame le règlement du passif humanitaire. Ce sont des citoyens innocents, qui vaquaient à leurs occupations, qui n’ont rien fait, qui ont été victimes d’exactions. Un beau matin, ils se sont retrouvés devant des situations inexplicables, devant des tueries, des exécutions extrajudiciaires, des expulsions, une épuration ethnique. Il faut que la lumière soit faite sur ce qui s’est passé pour que cela ne se répète plus, pour qu’une leçon soit donnée à toute l’Afrique. On ne peut pas tuer impunément. Donc la plainte fait partie du passif humanitaire qui consiste aussi à entendre et à sanctionner les auteurs de ces crimes et leurs commanditaires. 

Wal Fadjri : Qu’est-ce qui bloque le règlement du passif humanitaire d’autant plus que le général Ould Vall qui était président de la transition après la chute de Maouiya en avait fait la promesse ? 

Moussa Sy : Ely Mohamed Ould Vall ne pouvait pas régler le passif humanitaire pour la simple raison qu’il fut, pendant 20 ans, le directeur de la sûreté de Maouiya. Il est concerné par la plainte parce qu’il figure parmi les supposés assassins et tortionnaires. Il y aura toujours des blocages tant que ce sont les accusés qui dirigent le pays en promettant le règlement du passif humanitaire. Car le passif humanitaire s’interroge d’abord sur les véritables raisons des assassinats, des tortures, des expulsions. 

Wal Fadjri : La plainte ne règle-t-elle pas le problème ? 

Moussa Sy : Non, elle ne le règle pas à elle seule parce que, jusqu’à présent, nous n’avons pas d’interlocuteur du côté des autorités mauritaniennes. Ils ont tendance à nier, à ignorer. C’est seulement le président Cheikh Ould Abdallah qui a reconnu publiquement ces assassinats et tortures et a demandé pardon. Le général Abdoul Aziz a aussi reconnu, lors de son discours à Kaédi, qu’il y a eu des dérives avant de promettre de régler le problème. Ce que nous voulons, c’est d’avoir des interlocuteurs pour le régler. 

Wal Fadjri : Et la question des réfugiés ? 

Moussa Sy : Nous voulons leur retour de façon définitive. Nous avons été sur le terrain, nous avons organisé des caravanes de santé, des campagnes de parrainage des enfants des réfugiés. Nous savons les conditions dans lesquelles ils vivent dans les camps. Nous sommes pour leur retour au pays parce que ce sont des citoyens à part entière. Ils doivent recouvrer tous leurs droits. Sans cela, il ne peut y avoir de cohabitation paisible. Pour cela, nous réclamons une commission d’indemnisation qui va fixer les règles. Les autorités mauritaniennes ont fait un pas, mais insuffisant. Nous voulons que les choses soient corrigées. On a l’impression que les autorités ont fixé un montant forfaitaire sans tenir compte de beaucoup de facteurs. Ce ne sont pas 2 millions d’Ouguiya pour un officier, 1 million 800 mille pour un sous-officier ou 1 million 600 mille pour un soldat qui règle le problème. Ces indemnisations sont dérisoires et insuffisantes. Avec ça, ils veulent que les veuves, les orphelins, les ayants droit renoncent à porter plainte. Nous ne sommes pas d’accord. Nous avons élaboré un mémorandum que nous avons transmis au général Abdul Aziz qui a rencontré, à son invitation, le président de notre association, Ousmane Sarr. 

Wal Fadjri : Que faut-il pour que vous renonciez à votre plainte ? 

Moussa Sy : Premièrement, il faut une commission d’enquête qui doit aboutir à la traduction devant les juridictions du pays des auteurs des crimes abominables. Deuxièmement, il faut des indemnités qui soient adaptées à la réalité du pays. Troisièmement, il faut qu’on sache où sont enterrés les gens parce que jusqu’à présent, aucune famille n’a fait son deuil. Ils ne savent pas où sont enterrés leurs fils, leur pères. Ce sont ces trois éléments qu’il faut pour une cohabitation paisible. 

Wal Fadjri : Ce qui remet en cause aussi cette cohabitation, c’est l’esclavage qui a été, pourtant, aboli en Mauritanie depuis les années 1980

Moussa Sy : L’esclavage continue à sévir en Mauritanie malgré les lois abolitionnistes votées par les différents régimes qui se sont succédé. Mais les lois ne suffisent pas, il faut qu’il y ait des mesures d’accompagnement. Ces mesures doivent être économiques et politiques. A ce jour, aucun maître n’a été traduit en justice parce qu’il a des esclaves. Pourtant, on continue à se plaindre tous les jours. A ce jour, les rares tentatives de traduire les maîtres d’esclaves se sont soldées par un échec. Les leaders haratines sont souvent inféodés au pouvoir et ne font pas assez pour mettre fin à cette pratique du Moyen Age. Ceux qui se sont organisés contre l’esclavage, se sont retrouvés en prison. On a beau voter des lois, des textes, s’il n’y a pas des mesures d’accompagnement, s’il n’y a pas un système mis en place pour affranchir tous ces esclaves, je ne pense pas qu’on puisse venir à bout de ce fléau. 

Wal Fadjri : Pourquoi les esclaves ne se révoltent-ils pas ? 

Moussa Sy : La majeure partie d’entre eux ne sont pas instruits et sont éduqués comme s’ils ne devaient pas être libres. Ils sont confinés dans des campements où ils gardent le bétail, servent le maître. C’est aux leaders politiques et à tous les citoyens mauritaniens, et particulièrement aux cadres et leaders haratines, de faire le travail, de mener une campagne de sensibilisation auprès des Haratines. 

Wal Fadjri : Parlons de l’actualité politique en Mauritanie. L’on constate que c’est la crise. Le Sénégal est interpellé pour jouer aux médiations. Quel regard votre association porte-t-elle sur cette crise politique ? 

Moussa Sy : La crise que vit la Mauritanie actuellement, met en évidence l’échec de tous les partis politiques qui n’ont pas su profiter des opportunités qui leur ont été offertes pour instaurer une vraie démocratie en Mauritanie. Il en résulte une situation confuse où il y a la transhumance politique. Tantôt ils vont avec les militaires, tantôt, ils sont ailleurs. Actuellement, devant l’intransigeance des uns et l’entêtement des autres, nous allons droit au mur. Et les risques de dérapages sont potentiellement élevés. C’est pourquoi, en tant qu’association des droits de l’homme, nous lançons un appel solennel aux différents acteurs politiques en Mauritanie, pour qu’ils mettent en place un processus qui permet d’arriver à un consensus pour éviter un bain de sang. 

Ce sont les leaders politiques qui sont responsable de cette situation. Les militaires ont ouvert une fenêtre démocratique que les partis politiques n’ont pas pu exploiter. Ils sont restés dans leurs querelles. La majeure partie des partis politiques en Mauritanie ont un caractère tribal ou ethnique. Ce qui fait qu’ils n’ont pas cette vision de la démocratie au vrai sens du terme. 

Wal Fadjri : Quelle est la solution ? 

Moussa Sy : La solution, c’est de repenser les partis politiques, repenser la Mauritanie. Les partis politiques, dans leur orientation générale, dans leurs statuts, doivent faire représenter toutes les communautés et reconnaître que l’esclavage est un crime contre l’humanité. 

Wal Fadjri : Un Négro-Mauritanien dirige votre pays. Est-ce une victoire de la communauté noire de Mauritanie ? 

Moussa Sy : Je ne pense pas que ça soit une victoire ou défaite. Ce qui est sûr, M. Bâ qui est actuellement chef de l’Etat, était le président du Sénat. Et dans la constitution mauritanienne, il est dit que c’est le président du Sénat qui remplace le président de la République en cas de vacance du pouvoir. Il s’est trouvé que c’est lui qui était le président du Sénat. Donc il n’y a rien d’extraordinaire. C’est pour vous dire que ce n’est pas le fruit d’une lutte, mais un concours de circonstance qui l’a amené à cette station. Mais je suis très heureux qu’il soit président de la République. 

Wal Fadjri : Comment voyez-vous la médiation du président sénégalais Abdoulaye Wade ? 

Moussa Sy : La médiation du Sénégal a un peu tardé parce qu’ils ont laissé la situation pourrir

Wal Fadjri : Peut-être qu’il attendait d’être sollicité…

Moussa Sy : Un médiateur n’attend pas qu’on le sollicite. Il vient au secours d’un voisin qui a des difficultés. Malheureusement, les interlocuteurs sont à couteau tiré. Je ne pense que cette médiation puisse aboutir. Le Front (contre le coup d’Etat) avait accusé Me Wade d’avoir pris partie pour le Général (Abdoul Aziz qui a fait le coup d’Etat, Ndlr). Actuellement, on dit qu’il demande le report des élections alors que les militaires n’en veulent pas. Cela va se solder par un échec parce que les gens ne veulent pas se parler. 

Wal Fadjri : Vous êtes pessimiste…

Moussa Sy : Je ne pense pas que le report ou non des élections va changer quelque chose si les gens ne veulent pas se mettre autour d’une table pour se parler. 

Wal Fadjri : Un mot sur votre association. Quels sont vos projets ? 

Moussa Sy : ... Lire la suite de l'article sur walf.sn
Propos recueillis par Moustapha BARRY 

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