mercredi 6 mai 2009

Mamadou Bocar Bâ à La Tribune : « Ibrahima n’a pas acheté de maison. Il n’a même pas 30 millions. »


« Cibler quelques familles et les indemniser, c’est insuffisant. Les gens qui n’ont pas souscrit à ce protocole ont tout le loisir de porter plainte. » 



Mamadou Bocar Bâ à La Tribune : « Ibrahima n’a pas acheté de maison. Il n’a même pas 30 millions. »
2e vice président de l'Alliance pour la Justice et la Démocratie/Mouvement pour la Rénovation (AJD/MR) depuis août 2008, Mamadou Bocar BA, fait partie de cette catégorie de mauritaniens qui ont connu les geôles sous le régime de Maouya Ould Sid’Ahmed Taya. Membre actif d’un comité de soutien aux détenus noirs accusés d’intelligence avec le FLAM, il sera arrêté en octobre 1986, jugé et condamné à quatre ans de prison avant d’être libéré le 14 décembre 1989 à la faveur d’une remise de peine accordée par le chef de l’Etat de l’époque aux détenus baathistes. 

Exilé au Sénégal puis en France, ce militant actif du FLAM va créer en 2006 avec ses amis le mouvement FLAM/Rénovation. Et ce, dans le cadre d’une nouvelle orientation politique et dans le contexte d’une transition politique perçue comme porteuse d’espoir depuis le un certain 03 août 2005, date du renversement de Maouya Ould Sid’Ahmed Taya. Rompant avec le radicalisme des FLAM, le mouvement pour la rénovation s’engage dans la dynamique de la présidentielle de 2007 et soutient le candidat Ibrahima Moktar Sarr. Celui-ci obtiendra 8% des suffrages exprimés. Depuis, Mamadou Bocar BA intègre le parti AJD qui sera baptisé par la volonté de son mouvement AJD/MR… 

La Tribune : Le Président de votre parti, Ibrahima Moktar Sarr, est candidat à l’élection présidentielle du 06/06/09. Le pays vit une atmosphère politique gênante au regard de la démocratie. Tout ceci est-il rassurant pour l’AJD/MR alors même qu’il n’y a pas de consensus ? 

Mamadou Bocar Bâ : Nous ne sommes pas rassurés par la situation et nous l’avons toujours exprimé. Notre président était le premier à dire que les mauritaniens devaient se concerter pour trouver une solution mauritanienne à la crise. Les positions des uns et des autres étant restées ce qu’elles sont, nous sommes dans une impasse politique. Nous aurions voulu participer à des élections apaisées où l’ensemble de la classe politique participe mais tel n’est pas le cas. Au niveau de notre parti nous avons néanmoins décidé de nous engager dans cette voie là. 

En plus il faut avoir un minimum de réserve face à cette démocratie qui a été vantée chez nous. Tout le monde sait dans quelles conditions Sidi Ould Cheikh Abdallahi a été élu. Il ne faut pas oublier par ailleurs que les gens qui avaient soutenu Sidi Ould Cheikh Abdellahi entre les deux tours de la présidentielle de 2007 étaient les premiers à avoir vu en lui un homme de paille sous la botte des militaires. C’est donc la conséquence de cette situation que nous vivons. Et en cela l’opposition en général a une grande part de responsabilité par certains de ses choix incompréhensibles qui ont rendu possible l’accession de Sidi à la magistrature suprême. 

La Tribune : Mais la réalité est tout autre aujourd’hui. L’avenir de la Mauritanie est en jeu avec un militaire qui pourrait, après n’avoir procédé qu’à la substitution de son treillis par un costume civil, se faire élire et diriger la Mauritanie pour longtemps. Vous crédibiliserez une élection ne faisant pas l’unanimité et qui du coup risque de vous plonger dans une nouvelle et trop longue dynamique d’opposition ? 

Mamadou Bocar Bâ : C’est vrai. Et nous aurions préféré que la classe politique mauritanienne trouve un consensus. Mais il se trouve que la seule issue à l’impasse politique, c’est d’aller à de nouvelles élections libres et transparentes auxquelles toute personne non empêchée constitutionnellement puisse participer. Il faut qu’on donne au peuple lui-même la possibilité de trancher. Cependant les autres (FNDD et RFD, ndlr.) ne veulent pas de cette issue. Les uns (les partis du FNDD, ndlr) veulent que Sidi revienne. Le Général veut garder le pouvoir. Et les autres (le RFD, ndlr.) ne veulent pas qu’il soit candidat. On ne s’en sort pas à ce rythme. 

La Tribune : Le redécoupage électoral que vous aviez demandé en janvier 2009, durant les Etats Généraux de la Démocratie n’a pas été fait. Ce redécoupage serait très important en cas d’élections législatives. Y aurait-il un compromis tacite entre l’AJD/MR et le Général Ould Abdel Aziz pour que dans le cas où celui-ci remporte la présidentielle du 06/06/09, il y ait dissolution de l’assemblée en vue d’ouvrir la voie à votre parti pour de nouvelles consultations ? 

Mamadou Bocar Bâ : Il n’y a aucun accord entre l’AJD/MR et le Général en réalité. Nous nous étions battus pour que ces élections envisagées soient des élections générales. Et nous n’avons pas été suivis. Mais tout compte fait, je ne pense pas qu’une fois au pouvoir, Ould Abdel Aziz prenne le risque de dissoudre l’assemblée où en tout cas il passe pour disposer d’une majorité confortable. 

Sur ce point précis, je ne suis pas sûr que nos intérêts et ceux du Général se recoupent. Il n’y a pas d’accord du tout. Nous ne pouvons pas faire ce genre de compromis. Ça n’a pas de sens. 

Cependant, nous partons du principe que si l’élection est régulière, nous aurons les moyens de l’emporter. Et si nous ne battons pas le Général, il n’y aura aucun problème puisque nous aurons le choix entre travailler dans le cadre d’une opposition saine ou alors si nous sommes d’accord avec le Général sur la base d’une bonne partie des points de notre programme et s’il a besoin de nous, nous serons prêts à travailler avec lui. 

La Tribune : D’aucuns pensent et soutiennent que la candidature de votre président a été suscité et a même fait l’objet d’un marchandage pour crédibiliser l’élection fixé selon n agenda unilatéral. On parle même de l’achat d’une maison à 30 millions…Avez-vous des réponses concrètes et convaincantes à ce propos ? 

Mamadou Bocar Bâ : Je crois que c’est malheureux et très bas que des hommes politiques suscitent ce débat là. Si on va jusqu’à dire des choses aussi graves sur quelqu’un, il faut être capable de les étayer avec des preuves. C’est absurde de dire qu’Ibrahima n’a pas payé ses loyers. En tant que Secrétaire Général de l’institution du chef de file de l’opposition, Ibrahima jouit de certains avantages matériels accordés aux Secrétaires Généraux des ministères. Parmi ces avantages, il y a la prise en charge de son loyer. Il n’a donc pas d’arriérés de loyers qu’il devrait payer de sa poche. Les gens disent qu’Ibrahima a acheté une maison à trente millions. Ce qui est absolument faux. Il n’a pas de terrain à plus forte raison une maison. Et puis, je ne suis pas trop surpris de cet acharnement soudain sur la personne d’Ibrahima Sarr. En effet pour les tenants du boycott il faut tout faire pour discréditer les élections, pour ce faire il faut discréditer le candidat le plus crédible à leurs yeux. Ils l'ont choisi et c'est Ibrahima Moctar Sarr. 

Dans ce pays malheureusement diffamer l'adversaire pour le discréditer n'est pas nouveau car en 2006 déjà lorsqu’une délégation de Flam/Rénovation que je conduisais a rencontré le président du CMJD, il a été dit que ce dernier nous avait donné des millions et que nous avions acheté des maisons. 

C'est pourquoi même si nous sommes indignés par de telles pratiques nous pensons qu'il faut parfois répondre à de telles attaques par le mépris car les mauritaniens ne sont pas bêtes. 

La Tribune : Il est quand même surprenant que dans sa réaction sur You tube aux informations de Taqadoumy à son propos, qu’il n’ait poussé jusqu’au bout pour par exemple exiger des preuves à l’appui sous peine de poursuites ? 

Mamadou Bocar Bâ : C’et vrai. Mais en réalité, comme je l’ai dit tantôt, quand le problème s’est posé nous nous sommes dit qu’il fallait répondre par le mépris. Car c’est celui qui dit des choses sur quelqu’un et ‘accuse qui doit apporter les preuves. Quand on accuse quelqu’un d’avoir reçu de l’argent, de s’être fait acheter il faut absolument être capable d’apporter des preuves irréfutables. Moi je défie quiconque d’apporter ces preuves. Qui a donné de l’argent, par qui cela a-t-il été fait, où et comment ? Qu’ils donnent des éléments concrets par rapport à cela ! 

Ce qui est sûr, c’est que nous n’avons pas voulu donner de l’importance à cela. Car nous trouvions ça tellement bas. Et peut-être même qu’ils voulaient que l’on porte plainte contre eux pour se rendre importants. 

La Tribune : Dans cette situation, il s’agit précisément de l’honneur d’un homme qui va à la recherche des suffrages des mauritaniens et brigue la magistrature suprême du pays. Ne trouvez-vous pas qu’il y a eu manque de courage ou d’audace d’aller jusqu’au bout pour tirer les choses au clair ? 

Mamadou Bocar Bâ : Tout à fait. Il y a eu en réalité ce débat. Ibrahima lui-même a voulu porter plainte parce que ça l’a énormément touché. Mais, à un moment donné, c’étaient les gens de Taqadoumy eux-mêmes qui avaient dit qu’ils allaient apporter un démenti à leurs allégations. Toujours est-il que pour nous, tant qu’ils n’ont pas fait ce démenti ou apporté les preuves de ce qu’ils avancent, nous pourrons porter plainte. 

La Tribune : Vous attestez, donc, qu’Ibrahima Sarr n’a pas acheté de maison à 30millions… 

Mamadou Bocar Bâ : Ibrahima n’a pas acheté de maison. Il n’a même pas 30 millions. Il est locataire là où il est. Il n’a rien. 

Aujourd’hui, là où nous sommes, nous avons contacté des hommes d’affaires pour solliciter leur soutien à notre candidature. Mais jusqu’à présent, nous n’avons reçu aucune réponse. Don si on nous dit qu’on a reçu de l’argent, on ne sait pas ce que les gens veulent. 

La Tribune : Je vous rappelle qu’au moins deux autres candidats, en l’occurrence Kane Hamidou Baba et Mohamed Ould Abdel Aziz ont mis en place leur attelage. Ce qui veut dire qu’ils sont matériellement prêts. Or, Ibrahima Sarr avait dit quant à lui que cette fois-ci même les arabes voteront pour lui. Cette assurance reste-t-elle encore valable au moment où vous dites n’avoir reçu financièrement aucun soutien pour démarrer ? 

Mamadou Bocar Bâ : Cette campagne-là, nous l’avons toujours envisagée de cette façon : nous comptons sur nous-mêmes. Nous les militants, nous allons nous mobiliser pour faire notre campagne en fonctions des moyens dont nous disposons. 

Pour ce qui est de l’assurance du vote des arabes pour notre candidat, elle reste de mise. Elle repose sur la cohérence d’un discours qui a eu une adhésion certaine. Nous sommes certes le candidat qui a le moins de moyens. Mais la constance de notre discours et de notre engagement comme notre désir de créer une Mauritanie nouvelle où tous les citoyens vivront en paix, nous donne l’assurance du succès. 

La Tribune : Vous dites cohérence du discours, constance d’un engagement… En fait, les premières positions de votre parti (AJD/MR) avaient été la prise en charge du passif humanitaire, de la question des déportés, ente autres problèmes des droits humains. Et vous aviez dit, en personne, durant les Etats Généraux de la Démocratie, que les exactions commises du temps de M. Taya devront être corrigées. Allez-vous vous contenter de la formule récente du HCE : indemnisation des quelques 244 familles sur la base d’un protocole comportant le renoncement des ayant-droits à ne pas porter plainte ? 

Mamadou Bocar Bâ : Je dois vous dire que par rapport à cette question, nous sommes complètement divergents avec le HCE. Même si nous avons reconnu qu’il y a eu un pas avec le Général Ould Abdel Aziz, nous ne sommes pas d’accord avec cette formule du HCE. Car nous pensons qu’il ne s’agit pas seulement d’un devoir d’indemnisation dont les victimes et ayant-droits ont besoin. Il y a plusieurs devoirs. D’abord celui de vérité : il faut que les gens sachent ce qui s’est passé. Ensuite le devoir de justice et puis le devoir de réparation. S’acquitter de ces trois devoirs-là signifie que l’on évite que ce qui s’est passé se répète. 

Cibler quelques familles et les indemniser, c’est insuffisant. Les gens qui n’ont pas souscrit à ce protocole ont tout le loisir de porter plainte. Nous avions même demandé au Général d’ouvrir ce dossier à toutes les parties sans restriction dans la mesure où il engageait tous les mauritaniens. Il faut impliquer tous les mauritaniens pour qu’ils puissent en discuter dans l’intérêt de la Mauritanie. Vous savez qu’il y a des hommes qui sont honorés par République mais sur qui de lourdes présomptions pèsent. Ce qui ne peut être corrigé que par un devoir de vérité. 

La Tribune : Autrement dit, l’AJD/MR serait disposé à soutenir quiconque porterait plainte contre Maouya Ould Sid’Ahmed Taya ou tout autre pour crimes… 

Mamadou Bocar Bâ : Cela va de soi. Pour nous, il y a des droits qui sont du ressort des victimes. Mais en tant que parti d’avant-garde, il de notre devoir d’être du côté de celui qui est victime de l’injustice. Nous n’allons pas fuir nos responsabilités par rapport à cela. Mais nous privilégions une démarche consensuelle censée permettre aux mauritaniens de sortir de cette situation. 


Propos recueillis par Kissima 

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