jeudi 30 avril 2009

Interview El Arby O. Saleck, Porte-parole de CR

El Arby O. Saleck, Porte-parole de CR : « Ahmed Ould Daddah, avait tenu, dans Jeune Afrique, des propos très controversés sur l’unité nationale et la réhabilitation d’Ould Taya »

dimanche 8 mars 2009 / 23 :25

Quelle est la lecture du mouvement Conscience et Résistance de la situation politique du pays ?

 

L’organisation Conscience et Résistance n’a pas été surprise par le Coup d’Etat Militaire du 6 Août 2008. Nous, l’avons théorisé en cela nous avions à l’époque mis en garde le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Mais hélas, nos alertes n’ont pas reçu l’attention requise.

Ces mises en garde constituaient une contribution de notre part à la consolidation des acquis et l’enracinement de la pratique démocratique dans une sous région Ouest Africaine que dominent des décennies de monolithisme politique. Donc, la situation politique actuelle du pays prélude, incontestablement, un retour à la dictature, une régression plus sophistiquée, d’une apparence mieux entretenue, selon les agencements de la modernité. Aujourd’hui, les militaires, non contents d’avoir renversé leur Président élu, tentent, en plus, de lui interdire toute perspective de retour et vont jusqu’à vouloir lui succéder, légitimement, par des élections qu’ils organiseraient et dont ils seraient juges et parties ! Il faudrait receler des trésors de sottise pour accepter ce genre de manœuvre !

Voulez-vous dire que vous avez informé Sidi de l’imminence d’un coup d’état et qu’il ne vous a pas cru et pensez-vous que le coup d’état était évitable et comment ?

Pour vous dire tout, nous n’avons pas été les conseillers de Sidi ! Cependant, en tant qu’acteurs politiques, nous usions des moyens qui ont été toujours les nôtres dans de pareilles circonstances ; parmi nous, un ou deux éléments le mettaient souvent en garde et ne manquaient pas aussi de lui suggérer l’attitude à adopter ; il en tenait peu compte, semble-t-il. En outre, au-delà des blocages institutionnels, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a favorisé certains mécanismes comme la création de son parti politique ADIL ou l’alliance incompréhensible avec les barrons de la dictature de TAYA ; à nos yeux, une telle errance ne se pardonnait pas et le faisions savoir, assez tôt, bien avant le début de la fronde parlementaire qui allait l’emporter. Pour les observateurs avertis, tous les indicateurs démontraient, non sans évidence, que ce Président élu n’arriverait au terme de son mandat !

Quelles sont les propositions de CR par rapport à ce statu quo ?

En son temps et compte tenu de l’impasse actuelle, nous avions suggéré des sanctions y compris individuelles contre les représentants de l’état mauritanien en réaction au dessein d’imposer une transition unilatérale sous la houlette d’un groupe de prétoriens insurgés. Cette option, Conscience et Résistance la tient de son ancrage universaliste qui subordonne l’intérêt national à l’impératif de l’équité. Pour nous, le patriotisme véritable commence par la justice, la quête de l’équité, contre soi si nécessaire, contre les intérêts immédiats de la Mauritanie s’il le faut. Aussi, nous avions exhorté les parlementaires et les membres de l’actuel gouvernement à prendre leur distance par rapport au haut Conseil d’Etat avant de plonger le pays dans l’isolement, ce qui serait fatal, à son économie, et à son peuple. Mais cela devait prendre en compte une démission négociée de Sidi Ould Cheikh Abdallahi et son intérim, conformément à la Constitution, par le président du Sénat et un gouvernement d’union nationale, transitoire et consensuel. Le communiqué récent du groupe de concertation international sur la Mauritanie, au terme de sa réunion du 20 février 2009 à Paris, va dans le sens de nos attentes.

CR de la clandestinité à un visage semi découvert avec la tenue de son dernier congrès à Nouakchott et la recherche d’autorisation comme association politique, CR vient de porter ou serait entrain de porter sa veste de clandestinité. Quelle explication donnez-vous à ce boomerang comportemental ?

Il ne s’agit pas de boomerang comportemental, comme vous dites ! Les récurrences élémentaires de la science politique enseignent qu’il faut adapter les moyens de son combat à la situation. Au lendemain de l’élection du Président Sidi Ould cheikh Abdallahi, un certain espoir était permis.

En cela, nous avons souhaité investir le terrain local en sollicitant la reconnaissance légale de notre organisation. Ce que les pouvoirs publics -si ce vocable a un sens ici en Mauritanie- n’ont accepté ; leur refus tacite nous a conforté dans l’analyse que nous nous faisons de la situation, c’est-à-dire un système de domination inégalitaire et discriminatoire où les élites tribales se cooptent, de manière rotative, pour contrôler l’allocation des ressources de l’Etat et trafiquer l’influence administrative, sous forme d’échanges de faveurs. Ce modèle cultive l’impunité pour carburant. Il ne se réforme pas.

Les pouvoirs publics vous ont-ils notifié un refus ?

Les pouvoirs publics à la remorque du Ministère de l’intérieur ne nous ont pas notifié ce refus mais se refusent à examiner le dossier, encore moins attribuer un récépissé ! Nous avons déposé une demande complète ; les mandataires de l’Organisation ont été reçus par les services du ministère de l’intérieur pour des informations complémentaires, après avoir subi une enquête de moralité, ce qui ne manque pas de sel puisque c’est aux fonctionnaires de l’administration et des services de sécurité sous la dictature qu’il revenait d’évaluer notre recevabilité éthique !!!!. Bref, au bout d’une année, nous estimons qu’une procédure de ce genre devait connaitre une suite quelque soit sa nature !

Depuis Ould Taya à nos jours pouvez-vous nous parler de la trajectoire de CR jusqu’à votre participation au gouvernement du général Ould Abdel Aziz ?

Quand on a la prétention qui est la vôtre, celle d’être un journaliste avec ce que cela comporte comme déontologie à savoir une certaine objectivité, la dernière partie de votre question ne vous honore pas ! Vous devriez mieux vous informer sur votre sujet, avant de le traiter avec autant de liberté. Conscience et Résistance ne participe pas au gouvernement du Général Ould Abdel Aziz comme vous l’insinuez ! Vous faites référence à la nomination de l’ex-président de l’organisation en qualité de Commissaire aux Droits de l’Homme ; si oui, il faudrait réactualiser vos repères.

En effet dans une communication en date du 02 Septembre 2008, nous avons précisé que cette promotion par complicité d’un pouvoir putschiste, intervenait à titre individuel ; elle n’engage pas Conscience et Résistance dont la position envers le coup d’Etat du 06 Août 2008 demeure aux antipodes de la connivence. Nous sommes anti putsch et résolument mobilisés contre le Haut Conseil d’Etat, autant qu’hostiles à la réhabilitation, par le Président Ould Cheikh Abdellahi, des partisans les plus décriés de la dictature de Ould Taya. Quant à la trajectoire de CR, depuis Ould Taya jusqu’à nos jours, elle tient en une constance à revendiquer la rupture d’avec la domination ethnique et son corollaire de tous les jours, ici la privatisation des profits et la socialisation des risques dans la gestion de la puissance publique : cette obstination dans la vision et les principes nous valent une certaine acrimonie parmi la classe politique et cela semble bien mérité après tout. La caste des intellectuels organiques et des notables ne peut que nous vouer de la défiance ; nous poursuivons le but de son éviction en profondeur et y arriverons.

Je ne prétends rien, je constate… Certains de vos militants étaient les premiers à applaudir la chute de Sidi avant que votre organisation ne s’inscrive dans le registre des anti putsch ou des « ni, ni » ?

L’objectivité ne se limite pas au constat et le vôtre doit passer par la case vérification pour étayer vos affirmations ! Une organisation s’exprime seulement en son nom collectif, non par ses individualités ; de plus, nos membres ne sont pas éduqués au credo de l’applaudissement ! Conscience et Résistance et ses militants n’ont jamais agi, vous le savez, en fonction d’une quête d’intérêts personnels.

Les droits de l’homme, l’esclavage, les déportés, etc., on dit que vous avez demandé ce poste pour ces principales missions qui sont chères à votre mouvement. Qu’en dites-vous ?

Une fois encore, je vous renvoie à ma précédente réponse, nous ne sommes pas inscrits à l’agence nationale des demandes de ministères ; et nous ne sommes pas des partenaires de la coterie des officiers au pouvoir dont quelques uns figurent parmi les tortionnaires des années de purges racistes dans la fonction publique et les forces armées. En aucun cas, nous n’aurions de raisons-ni empiriques ni conceptuelles-à fonder, sur eux, une ambition quelconque de mieux être pour les exclus.

Ces officiers étaient vos partenaires pour le soutien de la candidature de Sidi aux élections présidentielles au détriment des candidats de l’opposition originelle ?

Le principal candidat de l’opposition originelle, en l’occurrence Ahmed Ould Daddah, avait tenu, dans Jeune Afrique, des propos très controversés sur l’unité nationale et la réhabilitation d’Ould Taya ; à l’époque, certains d’entre nous avaient jugé le discours inacceptable et mené campagne pour Sidi Mohamed Ould cheikh Abdellahi. L’organisation, elle, laissait la faculté du libre choix à ses membres. A aucun moment, elle n’a adopté de candidat ni conclu d’accord avec des éléments du Conseil pour la Justice et la Démocratie (CMJD), la junte de transition.

Quand on a la prétention de militer pour une Mauritanie démocratique, juste et égalitaire, pensez-vous que votre soutien à la candidature de Sidi auprès des militaires et les amis de Taya était une bonne chose ?

Bonne chose, dites-vous ? Le bien et le mal ne sont pas des critères du jugement en politique quand arrive le moment de se déterminer devant un évènement décisif. Dans le contexte de l’élection présidentielle en 2007, pour quelques uns d’entre nous - d’ailleurs minoritaires, car le plus grand nombre battait campagne pour Ahmed Ould Daddah - la candidature de Sidi Ould Cheikh Abdallahi constituait un moindre mal pour la Mauritanie, compte tenu de ses engagements à traiter les problématiques de l’esclavage, du passif humanitaire et du rapatriement de nos réfugiés aux Sénégal et Mali. De plus, le soutien à Ould Cheikh Abdellahi ne relevait pas du cadre d’une alliance avec les militaires ou les ex partisans de Ould Taya, que tant de partis, aujourd’hui, contribuent à blanchir. En revanche, nous n’avons pas oublié et ne sommes près de perdre l’usage de la mémoire en politique.

Que dites-vous de la médiation du colonel Kadhafi ?

Il faut dire que le Colonel Kadhafi, dans son effort, tient, ici, sa légitimité de l’Union Africaine, avec un mandat de la communauté internationale. En cela, toujours fidèle à son image, il apportera sa touche personnelle à la médiation ; nous espérons, surtout, qu’il reste neutre et ne donne aucun sou à quiconque en Mauritanie. Les vendeurs de dignité se pressent déjà aux préparatifs de son accueil et se pourlèchent les babines à la perspective d’en arracher quelque pan de fortune. Pour ce, ils signeraient leur propre damnation.

Propos recueillis par Camara Seydi Moussa (La Nouvelle Expression - Mars 2009)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vos commentaires et réactions sont bienvenus. Nous vous prions cependant d'éviter insultes et propos contraires à la morale et à la loi. Le Blog se réserve le droit de retirer tout texte enfreignant à ces règles.