mardi 14 juillet 2009

Editorial de Mohamd Fall Ould Oumère


14/7/2009 -

J’ai participé à un débat sur le thème «peut-il y avoir un autre coup d’Etat en Mauritanie ?» Il y avait à mes côtés, mon confrère Ahmed Ould Cheikh du Calame, le député Mohamed Ould Babana (du

camp Ould Abdel Aziz) et le professeur Lô Gourmo (UFP, FNDD). Et c’est le forum ‘For Mauritania’ qui avait organisé ce débat. Si j’en parle ici, c’est surtout pour prendre le fait comme prétexte pour dire ce que j’en pense.

Les coups d’Etat en Mauritanie – depuis celui de juillet 1978 et dont nous ‘fêtions’ le 31ème anniversaire la semaine dernière -, ces coups d’Etat n’ont jamais été une affaire purement militaire. Il y a toujours eu, derrière les officiers comploteurs, des hommes politiques, parents ou non, organisés ou non dans des structures clandestines ou non. Aucun des coups d’Etat réussis ou non, n’a été le seul fait de ses auteurs directs.

Les hommes politiques suscitent, encouragent et finissent même par souhaiter, publiquement ou en cachette, le renversement du pouvoir qu’ils n’ont pu vaincre par les voies purement …politiques. Ils légitiment après coup, expliquent et fondent l’acte lui-même. Avant d’être déçus, trahis ou non, et d’en venir à souhaiter, de nouveau, un coup d’Etat pour renverser le pouvoir qu’ils ont aidé à établir. La leçon n’est jamais retenue…

La question de sevrer les militaires et de leur enlever le goût des coups d’Etat passe nécessairement par la ‘rééducation’ des acteurs politiques pour leur inculquer des réflexes de démocrates. Définitivement. La résistance de l’après 6 août a été un pas dans ce sens. L’Accord de Dakar et l’esprit de cet Accord en est un autre. La présente campagne devait servir pour raffermir les pas franchis.

Il s’agit d’abord de redéfinir nos objectifs. Nous voulons une démocratie apaisée, avec des institutions qui fonctionnent normalement, des mécanismes de régulation efficaces, des hommes politiques engagés dans ce combat de longue haleine, des journalistes capables et prêts à jouer un rôle de médiateurs sociaux… Nous voulons un Etat stable et fort, un pouvoir légitime, un système équitable, une économie productive, un citoyen autonome et responsable… Nous voulons pouvoir éduquer nos enfants, soigner convenablement nos malades, nous ravitailler en eau et en énergie, nous sécuriser, prendre en charge les plus démunis d’entre nous…

Il s’agit ensuite de revenir sur nos pas pour réévaluer le chemin parcouru. Pour surtout voir là où nous avons péché. Pendant la première transition – on ne le dira jamais assez – nous avons voulu faire l’économie de certaines questions qui déterminaient pourtant la réussite du processus. Qui nous a refusé d’aller à l’essentiel ? Comment nous a-t-on empêchés de nous poser la question de savoir «quelle gouvernance pour la Mauritanie ?», de revisiter la Constitution qu’il fallait nécessairement amender après la chute de Ould Taya qui l’avait taillée sur mesure ? Qui nous avait dénié le droit de discuter pour redéfinir le rôle de l’Armée dans une démocratie normalisée ?

Personne ne pouvait ni ne devait nous interdire de traiter de telles questions. Nous les avons occultées sciemment. Par peur ou par paresse.

Nous avons aujourd’hui une chance d’y revenir. Profitons de la campagne électorale pour éluder ces questions essentielles, vitales plutôt.

Rééquilibrer les pouvoirs afin de limiter le rôle et les prérogatives du Président de la République, en même temps d’asseoir et de renforcer le pouvoir du Parlement, envisager la suppression du Sénat et l’élargissement de la représentation au niveau de l’Assemblée nationale, rehausser et promouvoir le rôle et le statut des partis politiques notamment en fidélisant les élus (lutter contre le nomadisme), instituer au plus vite la libéralisation de l’espace audiovisuel…

Jusqu’à présent, les candidats en campagne n’ont pas pris en considération ces questions. Et c’est bien pour les avoir occultées en 2005-2007 que nous avons eu le 6 août considéré par ses auteurs comme «un accident», et par nous comme une conséquence logique de notre manque d’anticipation.

La réponse donc à la question posée par For Mauritania dépend largement de la conclusion d’un tel débat. Si on arrive dès à présent à canaliser la réflexion et les discussions autour de ces questions, nous pouvons arriver à mettre en place les garde-fous nécessaires. Empêcher ainsi toute nouvelle dérive. Cela dépend, encore une fois, du personnel politique.

MFO

Copyright © La Tribune

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vos commentaires et réactions sont bienvenus. Nous vous prions cependant d'éviter insultes et propos contraires à la morale et à la loi. Le Blog se réserve le droit de retirer tout texte enfreignant à ces règles.