dimanche 23 août 2009

Exclusif : Interview accordée par M. BA Abdoul Fatah dit Haba à Nechra.com


Exclusif : Interview accordée par M. BA Abdoul Fatah dit Haba à Nechra.com


Natif d’Aleg, BA Abdoul Fatah dit Haba est originaire du département de Maghama au Gorgol, avec, par sa mère, un pied dans le Lao au Brakna.
Informaticien de formation, BA Abdoul Fatah dit Haba a intégré le monde du travail en France avant d’entamer un parcours particulièrement riche et varié en Mauritanie. Il a exercé d’importantes responsabilités dans les secteurs de l’eau et de l’électricité (Sonelec), de la santé publique (Pharmarim), des postes et des télécommunications (OPT), de la pêche (Mausov – sem), de la communication (Imprimerie nationale), et des projets de développement comme DG fondateur de l’Amextipe. Puis, BA Abdoul Fatah dit Haba a été consultant pour les principaux partenaires au développement de la Mauritanie en Afrique de l’Ouest et de l’Est. Il a également été consultant en management en Mauritanie de plusieurs institutions privées et d’Etat.
Précédé d’une réputation de gestionnaire compétent, efficace et intègre, BA Abdoul Fatah dit Haba a été porté de 1998 à 1999, par ses pairs, à la présidence de l’association africaine des agences d’exécution des travaux d’intérêt public (Africatip). Il a été, de 1994 à 1995, 1er vice – président de la fédération nationale de football. De 2001 à 2005 BA Abdoul Fatah dit Haba a été député à l’assemblée nationale. Il jouit de beaucoup de considération et d’un grand respect de la classe politique, de la majorité comme de l’opposition.
Il a accepté de nous livrer son analyse de la situation politique actuelle du pays ainsi que les défis majeurs auxquels sera confronté le pays. Entretien.



Quel commentaire faites-vous sur l’épilogue de la crise qui a ébranlé le pays une année durant ?


Il y a le fonds et la forme. S’agissant de cette dernière, et avant toute chose, je dois exprimer ma fierté pour la leçon de maturité politique et démocratique que notre pays a, une fois de plus, donné à l’Afrique et au monde arabe pendant les négociations de l’accord cadre de Dakar, lors de sa mise en œuvre, couronnée par une élection présidentielle où aucun incident fâcheux n’a, très heureusement, été déploré.


Ceci étant, pour ce qui est du fonds, j’ai observé qu’un groupe de 3 compétiteurs composé de grosses pointures, représentant 1/3 des candidats malheureux, et totalisant 1/3 des suffrages exprimés, a élevé de très vigoureuses protestations pour dénoncer des fraudes massives.

J’ai également observé qu’à contrario, 6 candidats recalés ont qualifié le scrutin de juste et crédible, et ont chacun adressé leurs félicitations à Mohamed Ould Abdel Aziz déclaré élu par le ministre de l’intérieur du gouvernement d’union nationale.


En fin, J’ai noté que l’ensemble des institutions nationales et étrangères compétentes, ont attesté que l’élection présidentielle du 18/07/2009 a été libre et transparente.


C’est par conséquent, et en toute logique que l’épilogue de la crise fut consacré le 05/08/2009, lors de la cérémonie solennelle d’investiture de Mohamed Ould Abdel Aziz, en qualité de Président de République.

François MITTERRAND dont le combat et la carrière politiques, resteront dans les annales, a dit en connaissance de cause : « La pire erreur n’est pas dans l’échec mais dans l’incapacité de dominer l’échec »

Quelles ont été vos impressions sur la cérémonie d’investiture ?

Je dois avouer que j’ai été, à l’occasion, particulièrement impressionné par la forte présence des représentants de l’ensemble de la communauté internationale (arabe, africaine, asiatique et occidentale) dont 2 chefs d’états frères et voisins.

J’ai été aussi très frappé par la spectaculaire et combien symbolique attention accordée par le Président de République élu aux milliers de ses concitoyens venus très tôt des quartiers précaires et défavorisés de Nouakchott, et entassés pendant plusieurs heures dans la tribune découverte du stade olympique.

Pour finir, dans l’adresse du Président de République investi, à la Nation et au monde où, il a confirmé avec force sa volonté de mettre en œuvre sans délai son projet de société, j’ai noté :



- L’instauration d’un Etat de droit, et de la bonne gouvernance ;

- La restauration de la justice sociale, de l’équité et de l’égalité des chances entre tous les mauritaniens ;

- La lutte contre la pauvreté, la gabegie et les prévaricateurs.
Roger Fournier n’aurait pas manqué de rappeler : « L’imagination a été inventée pour alimenter l’espoir ».

Quelles sont vos observations sur la folle semaine qui a précédé la nomination du Premier Ministre et la formation du Gouvernement ?

Pendant cette folle semaine comme vous dites, à l’instar de mes compatriotes d’ici et d’ailleurs, j’ai tendu l’oreille dans l’attente de la nomination d’un Premier Ministre, et la formation du Gouvernement de la République, préalables au coup d’envoi de la mise en œuvre du programme électoral du Président de République élu.

Les observateurs responsables, mesurés et pétris de sagesse, ont patiemment attendu le verdict dans le calme et la sérénité, en laissant le temps au temps, et à l’accomplissement de l’une des tâches les plus ardues à laquelle un Président de la République fraîchement élu se trouve, du jour au lendemain, confronté ; à savoir : rendre quelques uns heureux et le plus grand nombre malheureux.


Tous ceux qui ont déjà procédé à un casting quel qu’il soit, vous dirons qu’il s’agit d’un épreuve extrêmement difficile, bien souvent cruelle, et parfois plus pour le décideur que pour les candidats. Car, choisir quelqu’un, c’est décider de renoncer aux autres.


Pendant ce temps, les éternels et indécrottables postulants aux plus hautes fonctions de l’Etat et leurs soutiens et alliés, firent circuler les rumeurs les plus invraisemblables, et les plus saugrenues pour qu’on se souvienne d’eux.
Sollicités comme jamais, les féticheurs et charlatans de tous poils, réalisèrent d’excellentes affaires. Ils prédirent des lendemains qui chantent à leurs clients qu’ils délestèrent, à l’occasion, d’une bonne partie de leurs économies.
Jules Renard aurait très certainement assené : « La guigne ne s’acharne que sur la bêtise ».


C’est ainsi que fleurirent des gouvernements fantômes et virtuels, jusqu’à la tombée des décrets présidentiels le 11/08/2009 en début de soirée. Depuis lors, les réactions et commentaires positifs et négatifs ne cessent d’animer les salons, les places publiques, les bureaux et les rédactions des organes de la presse qu’elle soit écrite, audio – visuelle ou électronique.

Quelle lecture faites-vous des choix opérés par le Président de la République ?

Je m’interdis formellement tout jugement de valeur sur les choix opérés par le Président de République pour la composition de son équipe gouvernementale.

Il n’est pas concevable que vous n’ayez aucune une idée sur la question. Alors, pourquoi cette autocensure ?

Il ne s’agit nullement d’une autocensure ou d’une dérobade. C’est tout simplement pour les raisons suivantes :
Le Président de République, fort de la confiance du peuple mauritanien, dispose constitutionnellement de tous les pouvoirs pour désigner les hommes et les femmes qui remplissent à ses yeux, les critères idoines pour conduire, chacun et chacune, une part de son programme électoral. Dès lors, je considère, très modestement, que ceux qui, le 18/07/2009, ont voté Mohamed Ould Abdel Aziz, pour être cohérents avec eux-mêmes, doivent loyalement et sans états d’âme accorder leur confiance à l’équipe qu’il a soigneusement composée. Les autres dont, les candidats n’ont pas obtenu une confiance suffisante de la part des mauritaniens, doivent un respect démocratique aux choix du Président de République élu.

Ensuite, les mauritaniens et les mauritaniennes qui ont la compétence, l’expérience et l’intégrité pour siéger très légitimement à la table du conseil des ministres, se comptent par centaines. Ainsi, quelque soit la composition du Gouvernement, il y aura toujours des centaines de cadres pourtant méritants, qui n’y seront pas.


Toutes proportions gardées, on peut trouver une certaine analogie entre la formation d’un gouvernement et la constitution d’une équipe nationale de football :

- Il est courant que de talentueux joueurs pourtant appréciés par un grand nombre de supporters et de spécialistes reconnus, ne soient pas appelés par le coach ;

- Parmi les 22 joueurs sélectionnés, seuls 16 peuvent figurer sur une feuille de match ;

- Sur ces 16 joueurs, 11 sont titulaires et les autres, s’ils ne rentrent pas en cours de match, assistent à la rencontre à partir du banc de touche.
Des ajustements sont cependant toujours possibles. Les procédures en vigueur et les règles du jeu, prévoient en effet de nombreuses opportunités de réaménagements : remplacements en cours de jeu, modification de la feuille de match et même refonte de la liste des joueurs sélectionnés pour la poursuite d’une compétition.


Ceci étant, qu’il s’agisse de la formation d’un gouvernement ou, de la composition d’une équipe nationale de football, le Président de la République et le coach qui, disposent chacun d’effectifs de qualité en grand nombre, sont tous les deux confrontés au même dilemme : L’embarras du choix, ou le choix de l’embarras.

Par ailleurs, Les commentaires sur les qualités et la valeur des membres du gouvernement, se fondent généralement sur des présomptions. C’est alors la porte ouverte aux jugements de valeur foncièrement subjectifs qui, attribuent des qualités à quelqu’un qui ne les possède pas, et affublent quelqu’un d’autre d’insuffisances qu’il ne charrie pas.
Laissons donc cet exercice, stérile et même franchement nuisible, aux salons où plastronnent ceux là qui, prétendent comprendre le mystérieux langage des cauris, ou qui jurent pouvoir lire l’avenir et les secrets les mieux gardés dans une boule de cristal ou dans une mare de café.

Ceci dit, l’essentiel réside dans la réponse que l’équipe gouvernementale constituée, va apporter à la considérable demande sociale pendante, à travers la mise en œuvre du programme du Président de République élu.


Comment voyez-vous la mise en œuvre du programme électoral du Président de la République ?

La mise en œuvre du programme électoral du Président de la République, sera ardue. Car, elle pose avec acuité la problématique du "changement constructif" qui peut se décliner en 7 points dont, 2 atouts décisifs et 5 contraintes majeures.

En ce qui concerne les 2 atouts décisifs, il faut retenir :


1. Le programme clair, net et précis, socle du projet de société proposé par le candidat Mohamed Ould Abdel Aziz aux mauritaniens et accepté par une majorité qualifiée ;

2. La très forte volonté politique pour sa mise en œuvre incontestablement reconnue.

Les 5 contraintes majeures, résonnent à travers :


1. Les ressources humaines qualitativement et quantitativement suffisantes sont sujettes à interrogations. Quelque soit la valeur de la coiffe de la pyramide administrative, l’efficacité repose essentiellement sur ses niveaux supérieurs, moyens et subalternes. Autrement dit, quelque soit la compétence, l’intégrité et la volonté du gouvernement, si les secrétaires généraux, les directeurs, les comptables, les chefs de services et de divisions ne sont pas à la hauteur, privilégient des intérêts de groupes ou égoïstes, ou traînent les pieds, toute tentative de décollage administratif, finit inexorablement par un retentissant crash.


2. Les ressources financières endogènes sont limitées car, la lutte contre la fraude fiscale et douanière d’une part, et contre les détournements des deniers publics d’autre part, constitue à elle seule tout un programme. L’aide extérieure demeure l’apanage des partenaires bilatéraux et multilatéraux au développement, et des investisseurs privés.
C’est sur elle que reposent les projets de développement générateurs de croissance, d’emploi et de richesse. Dans un contexte de crise économique mondiale majeure, elle est désormais assortie de conditions draconiennes qui se révèlent plus que jamais difficiles à remplir.


3. La demande sociale multiforme est telle, que ses innombrables auteurs attendent beaucoup et très vite. Certains veulent tout et tout de suite, ce qui est déjà impossible dans les pays nantis à plus forte raison dans un pays comme la Mauritanie.
Il va donc falloir déployer des trésors de persuasion et de savants arguments pour réfréner les ardeurs des uns, et convaincre les autres de la nécessité d’observer un peu de patience.


4. La durée de l’état de grâce accordé à un nouveau pouvoir est généralement de 100 jours. S’agissant du gouvernement du "Changement constructif" né le 11/08/2009, elle est considérée quasi nulle. Preuve supplémentaire de l’énorme pression ambiante, le droit naturel à l’erreur est, dans l’esprit du plus grand nombre, formellement proscrit, alors que nul n’est infaillible.
Ainsi, la bombe sociale que tout le monde redoute, peut, à tout moment éclater pour installer et développer une crise aigue et durable, sous les coups de boutoir :



- d’une certaine opposition acariâtre et revancharde qui, à l’affût, guette le moindre faux pas pour ouvrir un feu nourri de diatribes politiques parmi les plus acerbes ;

- de ces groupes affiliés à la majorité toujours prêts à attiser la moindre braise et dont, la morgue, la suffisance, l’égoïsme et l’intolérance génèrent l’arrogance qui nourrit le sectarisme et l’exclusion ;

- de l’impatience de ceux qui, ayant misé tous leurs espoirs sur le "changement constructif", tardent à en apercevoir les effets ;

- de ces fanfarons qui, s’estimant incontournables, sont, depuis de la composition de l’équipe gouvernementale, déçus, frustrés, et désespérément inconsolables. A la moindre bourrasque sociale, on les entendra proférer, sur tous les toits, des propos mesquins du genre : " C’était prévisible car les choix opérés sont mauvais. On a certes nommé des cadres bardés de diplômes mais inexpérimentés qui se révèlent de parfaits bras cassés !", "On aurait du faire appel à monsieur X ou, à madame Y !".


De ces gens là, Gustave Le Bon aurait martelé : « La vanité est pour les imbéciles une puissante source de satisfaction. Elle leur permet de substituer aux qualités qu’ils n’acquerront jamais, la conviction de les avoir toujours possédées ».

5. Pour ne rien arranger, le terrorisme, dont les actes criminels sont totalement étrangers à la culture et aux traditions du pays, s’est, 3 jours seulement après la prestation de serment du Président de la République élu, rappelé à nos plus mauvais souvenirs en lançant un défi sécuritaire majeur à la Mauritanie toute entière.
Cette situation gravissime inquiète aussi bien, les mauritaniens et leurs paisibles hôtes étrangers, que les investisseurs extérieurs. Nul doute qu’elle soit de nature à brouiller l’image de la Mauritanie nouvelle annoncée et, d’entamer la crédibilité du message adressé au monde.
De cette dramatique situation, Richelieu aurait très certainement fait remarquer : « Les grands embrasements naissent de petites étincelles ».

Dans quel rôle voyez-vous les forces vives du pays, face aux défis qui l’assaillent ?

Il est évident que la réussite ou la déconvenue dans la mise en œuvre du programme électoral du Président de la République élu, concerne tous les Mauritaniens. Ils vont tous, certes à des degrés divers, soit cueillir les fruits du succès, soit subir les difficultés et les affres de l’échec.


Il est néanmoins certain que, la persistance et l’aggravation de la crise économique et sociale, n’épargneront aucun mauritanien, et personne n’en sortira indemne.
Il s’agit dès lors, pour tous les patriotes républicains qu’ils soient issus de la majorité ou de l’opposition, mais aussi de la société civile et du 4ème pouvoir constitué par la presse, de :


1. juger l’action gouvernementale sur pièces, froidement et sans la moindre
complaisance ;
2. constituer un réseau de sentinelles impartiales, intransigeantes, vigilantes,
objectives et avisées pour :

- tirer la sonnette d’alarme dès l’apparition des signes précurseurs d’une dérive préjudiciable aux intérêts supérieurs du pays ;

- dénoncer la grève de zèle et l’inertie que certains pans de l’administration, qui ne se reconnaissent pas dans les réformes envisagées, seraient tentés d’observer ou d’entretenir.

- stigmatiser les prévaricateurs et autres saboteurs pour qu’ils soient mis hors d’état de nuire ;

- soutenir et encourager toute action ou initiative favorable à l’amélioration des conditions de vie des mauritaniens ;
De ce qui précède, Beaumarchais aurait sans hésitation, réécrit : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ».

Dans ce cadre et cet ordre d’idées, l’opposition républicaine et responsable, se doit de jouer le rôle démocratique et constructif qui lui incombe. C’est seulement à ce prix qu’elle peut espérer convaincre la majorité des mauritaniens, de sa crédibilité, et de sa capacité à prendre en charge les destinées du pays, à la faveur d’une alternance démocratique.


Fort de sa légitimité issue des urnes, le pouvoir qui se met en place se doit, le bras tendu et la main ouverte, de maintenir la porte du dialogue béante pour la concertation positive et la recherche du consensus, sur les grands problèmes de l’heure.
Dès lors, la majorité et l’opposition républicaine, pourront sans compromission, jouer chacune d’elle pleinement son rôle, dans l’intérêt de la seule maison commune. Tous les espoirs seront permis.

Un dernier mot ?

Si vous le permettez, j’aimerai vous proposer d’ouvrir des pistes de réflexion sur la base de thèmes qui peuvent à tout moment s’inviter par effraction dans l’actualité nationale :

1. « Le doute est un hommage rendu à l’espoir »
LAUTREAMONT

2. « L’homme trop prudent attend qu’il soit trop tard »
Frédéric. DARD

Source:

www.nechra.com


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