mercredi 26 août 2009

L'Edito de la Tribune, Mohamed Fall Ould Oumère








«…sous la direction éclairée de on Excellence le Président de la République… (et plus loin)… et sous la conduite du Premier ministre…» Une logomachie qui revient avec force ces jours-ci avec les premières sorties des ministres de la nouvelle équipe gouvernementale.

Certains ministres profitent de leurs premiers contacts avec leurs administrations pour parler de la nécessité de respecter les horaires, d’être au service du public, de faire preuve d’engagement au travail, de bien gérer les ressources… un autre aspect de la logomachie usitée depuis près de trois décennies… celle qui a fait la caractéristique première des pouvoirs personnels et tyranniques.


Fort de sa réussite au premier tour, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz ne doit pas avoir besoin de tels discours pompeux et sans fondements. Il doit être dans l’attente de celui qui veut réaliser une œuvre à laquelle il croit. Cette œuvre commence par la négation de tout ce qu’il a stigmatisé par le passé. Y compris cette logomachie.


Les ministres devraient éviter de répéter des phrases mille fois ressassés. Où seuls changent les noms du président et du Premier ministre, et les dates. Ils sont là pour incarner cette volonté du changement prônée par Ould Abdel Aziz et qui lui a valu sa réussite.


Dire à un fonctionnaire qu’il doit être assidu, honnête et dévoué, relève du remplissage. On dit chez nous que seuls les chiens prennent pour compliments les attributs comme «tel ne vole pas». La culture des bonnes mœurs va de soi. Elle est de l’attribut des hommes. Certes ont-ils besoin d’être rappelés à l’ordre, mais c’est d’abord le comportement du chef qui impose la conduite à tenir. A quelque niveau que l’on soit, «erra’iyatou ‘ala qalbi al amiri» (les administrés suivent la voie de leur direction). Que les ministres ne s’attardent pas à demander à leurs collaborateurs d’être ponctuels. Ils n’ont qu’à l’être eux-mêmes. D’être honnêtes, ils n’ont qu’à l’être eux-mêmes. D’être au service de la population. Ils n’ont qu’à l’être eux-mêmes.


S’ils tiennent à rester dans les ‘normes du Prince’, les ministres – le Premier, le premier – doivent sortir et se battre. Aller au travail et parler le moins possible devant leurs collaborateurs. Ils doivent redonner espoir à ces derniers en réhabilitant la compétence et l’intégrité. Ils doivent communiquer autour de leurs programmes, de leurs réalisations, de leurs contraintes… vaincre la peur de dire la vérité, ne serait-ce qu’en partie. En un mot ils doivent incarner le changement et ne pas se laisser entraîner par l’appareil qui était là .


Quand on suit le ministre de la communication dans son périple à Radio Mauritanie, AMI et TVM, on a l’impression que les journalistes des médias officiels n’ont de problèmes que ceux liés aux salaires et traitements. Alors que les organes officiels n’arrivent pas à se hisser au niveau de services publics dignes de ce nom. C’est encore plus grave quand on sait que la loi sur la libéralisation traîne dans les tiroirs d’une commission paritaire interparlementaire qui reste à mettre en place. Que ces journalistes n’ont aucune liberté d’écrire ou d’enquêter. Qu’ils sont liés par la bonne volonté de leurs directeurs qui croient que leur première mission est de servir le Sultan du moment.


Ce n’est pas par hasard si le public mauritanien cherche l’information sur la Mauritanie ailleurs que dans les médias officiels. La confiance est perdue depuis longtemps. Et si la transition a été une parenthèse, il est sûr que le public est assoiffé d’information venant de ces organes. Mais il n’en trouve.


On ne peut en vouloir aux personnels. Mais ce sont des politiques liberticides et incongrues qui ont mené le pays là où il est. Et avec lui le secteur de la communication. Pas de formation, pas d’encouragement, pas de liberté, pas d’accès à l’information, pas de culture du mérite… il suffit pour mesurer l’ampleur du mal de faire le compte : la plupart de ceux qui produisent ici et là sont des contractuels payés à la baisse. Pourquoi ? Parce que personne n’est jugé sur son résultat, sur sa rentabilité… à commencer par les ministres, en descendant vers les techniciens, en passant par les directeurs… Partout la problématique est la même.


Ce ne sont pas les sermons concernant l’assiduité, l’intégrité, le dévouement qui changeront la donne. C’est plutôt la rupture avec ce discours et avec ces méthodes qui peuvent annoncer un changement probable.

© La Tribune


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