mercredi 26 août 2009

Nouvelles d’ailleurs : Subjectivité….












Nouvelles d’ailleurs : Subjectivité….

Et voilà notre ami et confrère Hanevy condamné à 6 mois de prison ferme et à 30 000 UM d’amende. Non pas pour les accusations portées par son site électronique « Taqadoumy » contre IMS, mais pour des propos qu’aurait tenus une lectrice et considérés comme « atteinte aux bonnes mœurs ».
Ce verdict ne satisfait personne : ni l’accusé, ni l’accusation. Ni la communauté journalistique qui dénonce la détention préventive et le verdict et qui n’a pas vu poindre une quelconque once de réelle approche de ce qui pourrait être une déontologie professionnelle au pays des Nous Z’Autres.

Cette affaire ne fait que compliquer les choses et le métier de journaliste ; dorénavant tout un chacun d’entre nous va vivre avec cette épée de Damoclès au dessus de la tête. A chaque fois que nous écrirons ou que nous laisserons les lecteurs ou auditeurs faire des commentaires, nous savons que nous pourrons être embastillés, déférés devant les autorités judiciaires, punis et envoyés à l’ombre méditer pendant moult temps sur l’amertume d’être un homme de médias dans notre République des Derviches Tourneurs.

Comme le pouvoir judiciaire n’a pu punir Hanevy pour le texte sur le coût supposé de la maison d’IMS, il lui a bien fallu trouver quelque chose pour justifier la prison préventive et ne pas perdre la face. Dans notre bled, rien de mieux que de ressortir le truc fourre-tout « d’atteinte aux bonnes mœurs ». Là dedans on y met tout et n’importe quoi. La preuve : l’opinion personnelle d’une lectrice mène tout droit notre confrère dans le septième cercle de l’enfer.

Et pourtant les accusations de gabegie, de détournements, de vols, de corruption ont fleuri pendant la dernière campagne présidentielle, en veux-tu, en voilà. A croire que pour certains candidats (et non des moindres), tout le monde était un moufcidine.
République Impitoyable des Moufcidines qu’on aurait dû nous appeler.

Notre président actuel lui-même en a lancé des accusations pendant ses 11 mois de pouvoir qui n’en était pas un et de fignolage de la Rectification. Ca avait commencé avec Khattou et sa Fondation. Puis le ballon s’est dégonflé et on ne parle plus de l’ex première dame. Puis Ould Waghf qui, lui aussi, a fait un petit tour en prison. Puis plus rien. Puis ça a continué avec les accusations à peine voilées lancées contre Ould Boulkheïr et Ould Daddah. Depuis, walou. Alors que pèsent les dires de Taqadoumy dans la jungle des accusations et des rumeurs ?

Mais passons : ceci (cet acharnement contre Hanevy) n’étonnera personne quand on connait notre pays : certains ont plus le droit de lancer des accusations non prouvées que d’autres. C’est la loi du plus fort, hein ? Et je remercie la Justice d’avoir puni le faible quand elle a oublié de voir les « forts ».

Bref Hanevy est en taule. Malheureusement et honteusement. Et sans tomber dans le grandiloquent éculé, je dis même que ce sont tous les journalistes qui sont en taule avec lui. Car qui n’a pas égratigné au moins une fois et sans preuves un homme politique ? Qui n’a pas parfois glissé très loin d’une présupposée objectivité que l’on nous demande à longueur de journée ? Qui n’a pas parfois, poussé le bouchon un peu loin ?

Sommes-nous donc des surhommes que l’on nous demande toujours ce que l’on ne demande pas aux politiques, à savoir « ETRE OBJECTIFS » ?

Andreï Arkhangelski (chroniqueur pour le quotidien en ligne russe Vzgliad) écrivait un jour : « Les faits objectifs ne sont pas une absurdité, mais un euphémisme de fonctionnaires …Le fait que tout journaliste doit d’abord être objectif arrange tout le monde, ou presque : le pouvoir, le monde des affaires et le grand public ».
Chez les Nous Z’Autres la demande de « Vérité » quelque qu’elle soit, est une exigence si l’on en croit les cris d’orfraie poussés par les victimes de « diffamations ».

Mais de quelle « Vérité » parlons-nous ? Celle de la victime supposée ? Celle des « faits » relus à la sauce personnelle ? Celle des hommes ?
Or, la « vérité » est tout sauf objective.
Si l’on veut être « objectif », on ne s’en tient qu’aux dépêches brutes et on se contente de les ânonner tel un mantra débile.

Mais dès lors qu’un journaliste reprend ces dépêches et les commente, il fait entrer une part de subjectivité. Et celle-ci est un droit fondamental de la profession.
A chacun d’en faire ce qu’il en veut.
Qui a l’outrecuidance d’exiger un devoir de vérité OBJECTIVE sinon les intégristes de vérités toutes personnelles ?

Je comprends l’indignation d’IMS. Je comprends aussi qu’il ait porté plainte. C’est son droit le plus absolu et cela fait partie du jeu. Il défend Sa vérité et son honneur.
Mais je comprends aussi les papiers de Taqadoumy.

Car je n’oublie pas que celui qui écrit le fait avec toute la part de subjectivité qu’il porte en lui et celle-ci, au grand dam de tous les censeurs vertueux, remplit exactement la fonction que l’on demande à la presse : à savoir forcer le lecteur à réfléchir, à se poser des questions, à faire la part des choses et à oublier un peu le sacro saint leitmotiv des imbéciles ( « c’est écrit donc c’est vrai »).
La communication c’est aussi cela : de la subjectivité.
Le jour où l’objectivité sera imposée, ce sera la mort de la presse et de ceux qui écrivent.

Alors laissons donc aux journalistes le droit à la subjectivité. Et laissons aux lecteurs le droit à l’intelligence.
Et reconnaissons aux journalistes que leur plus grande honnêteté c’est leur subjectivité car quand ils affichent leurs opinions, leur sympathie et autres, ils sont honnêtes envers leurs lecteurs.

C’est de tout cela que j’aurais aimé que notre justice parle et réfléchisse dessus. Pas du motif « d’atteinte aux bonnes mœurs » fallacieux.
Car quand un journaliste est jeté en prison pour ses écrits, c’est toute notre liberté de parole qui agonise.
Quoique l’on puisse penser de ses écrits.
Salut.

Mariem Mint DERWICH

© Le Calame

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