dimanche 16 août 2009

Un préfet raciste hors de la République






Paul Girot de Langlade. Déjà sur la sellette pour des propos contre les gens du voyage, ce récidiviste aurait insulté une employée d’aéroport antillaise le 31 juillet. Brice Hortefeux l’a suspendu vendredi.

ISABELLE HANNE


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Il n’en est pas à son premier dérapage. La spécialité de Paul Girot de Langlade, préfet hors cadre et coordinateur local, pour La Réunion, des états généraux de l’outre-mer, c’est l’affront raciste. Le président du Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) l’a même taxé de «multirécidiviste de l’insulte». Pour son dernier fait d’arme, il vient d’être suspendu de ses fonctions par son ministre de tutelle, Brice Hortefeux.
Aéroport d’Orly Ouest, le 31 juillet, 6 h 50. A son retour de La Réunion, Paul Girot de Langlade déclenche l’alarme en franchissant le portique de sécurité. Un agent de la société Securitas lui demande de vider ses poches ; le préfet lui en lance le contenu au visage. Une collègue du vigile lui demande de garder son calme. «On est où là ? aurait répondu le préfet à la jeune femme d’origine antillaise. On se croirait en Afrique ici !» Devant l’agitation, des membres du personnel de l’aéroport s’approchent. «De toute façon, il n’y a que des Noirs ici !» aurait alors lancé le préfet, devant plusieurs témoins.
Injures publiques. La femme de 27 ans a déposé, le 4 août, une plainte pour injures racistes au commissariat de Corbeil-Essonnes. Elle a été transmise au parquet de Créteil (Val-de-Marne), qui a ouvert vendredi une enquête pour «injures publiques à caractère racial», confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) de la police judiciaire parisienne.
Dès vendredi matin, Brice Hortefeux annonçait dans un communiqué qu’il suspendait «immédiatement» Paul Girot de Langlade de ses fonctions de coordinateur local des Etats généraux de l’outre-mer, «dans l’attente des résultats de l’enquête en cours». «Je ne tolérerai jamais que des propos racistes ou discriminants soient tenus dans notre pays, d’autant plus par un représentant de l’Etat, quel qu’il soit», a affirmé le ministre de l’Intérieur.
«Voilà un homme à poigne qui ne se cache pas derrière son petit doigt.» C’est ainsi que la Nouvelle République du Centre-Ouest avait présenté Paul Girot de Langlade à son arrivée à la préfecture d’Indre-et-Loire, en 2006. Aujourd’hui âgé de 63 ans, dont quinze passés dans l’armée, ce fils d’agriculteur, chevalier de la Légion d’honneur, et commandeur de l’Ordre national du Mérite, a toujours été réputé pour ses sorties insultantes. D’abord préfet de Corrèze, d’où il a tiré son affection pour Jacques Chirac, il a ensuite été nommé préfet de Savoie, du Vaucluse, de Guadeloupe, et enfin d’Indre-et-Loire.
«Rapine». En octobre 2002, première controverse, suite à des propos tenus sur les gens du voyage. Alors préfet du Vaucluse, il explique, lors d’une réunion avec des maires du département et devant des journalistes, qu’il n’a «aucune tendresse particulière pour ces gens-là». «Ils vivent à nos crochets, ils vivent de rapine, ajoute-t-il. Ce sont des gens qui roulent dans des voitures de luxe, qui ont des caravanes énormes et qui ne travaillent pas…» Il sera publiquement désavoué par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Suite à une plainte du Mrap et de SOS Racisme, il sera mis en examen pour «diffamation publique envers un groupe de personnes en raison de leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation ou une race». Condamné en première instance, le tribunal avait ensuite rendu un non-lieu en appel pour vice de procédure.
Novembre 2006, rebelote. Dans un entretien à la Nouvelle République du Centre-Ouest, Paul Girot de Langlade, s’emporte : «Chacun sait que quand [les gens du voyage] arrivent quelque part, il y a de la délinquance.» Le Mrap porte plainte. En septembre 2007, il est condamné à 2 000 euros d’amende pour «provocation à la discrimination à raison de l’origine». Suite à cette condamnation, le Conseil des ministres le met «préfet hors cadre» - c’est-à-dire sans affectation territoriale. Si l’administration n’hésite pas à le sanctionner, Paul Girot de Langlade n’a encore jamais été condamné par la justice pour ses incartades - le tribunal l’a relaxé de toutes les charges pesant à son encontre en juin 2008.
«Si les propos du 31 juillet sont avérés, nous les condamnons fermement, s’est indignée vendredi Emilie Perrier, responsable du pôle discrimination à SOS Racisme. C’est gravissime, et nous attendons des sanctions de la justice, et de l’administration. Il a déjà tenu des propos hautement condamnables, alors qu’il doit être garant des principes républicains.» Mouloud Aounit, président du Mrap, a annoncé que son mouvement allait «se constituer partie civile dans cette affaire» : «C’est d’une gravité extrême et absolue qu’un préfet de la République tienne ce genre de propos au risque de les banaliser.» Tout comme SOS Racisme, le Mrap réclame sa «radiation du corps préfectoral». Pour Mouloud Aounit, Paul Girot de Langlade n’est, en fait qu’un «beauf de la République».«Et la République mérite mieux.»
© Libération

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