vendredi 21 août 2009

Saddam Hussein, révélations d'outre-tombe

Le 30 décembre 2006, reconnu coupable de crimes contre l’humanité par le Tribunal spécial irakien, l’ancien homme fort du pays est pendu. Deux ans plus tôt, le raïs avait été interrogé par le FBI. L’administration Obama vient tout juste de lever le secret-défense sur ces entretiens historiques.



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« Job is done ! » Six ans se sont écoulés depuis le victorieux mensonge de George W. Bush prononcé le 1er mai 2003, au lendemain de l’invasion américaine de l’Irak. En fait de « mission accomplie », ce sont des dizaines de milliers de civils irakiens (certaines ONG américaines annoncent plus de 100 000 morts) qui ont été tués par d’interminables opérations de pacification et un terrorisme aveugle. Aujourd’hui, laissant derrière eux un pays ébranlé jusque dans son unité, les GI et les marines font leur paquetage avant de partir s’aventurer dans un nouveau chaudron, celui de l’Afghanistan. Ironie de l’Histoire, c’est à ce moment charnière que Saddam Hussein refait parler de lui.

Condamné pour crimes contre l’humanité et exécuté par pendaison le 30 décembre 2006, l’ex-président irakien avait longuement été « débriefé » par le FBI, de février à mai 2004. Soucieuse de se débarrasser des cadavres les plus encombrants laissés dans les placards de la Maison Blanche par George W. Bush, l’administration Obama vient de lever le secret-défense sur cette série d’une vingtaine d’entretiens.

Face au dictateur déchu, humilié devant les caméras du monde entier, se faisant épouiller la barbe après son arrestation dans un trou à rat, le 14 décembre 2003, c’est George Piro qui pose les questions. Agent spécial du FBI, d’origine libanaise et parlant couramment l’arabe et le français, Piro semble avoir conquis la confiance d’un Saddam Hussein déboussolé, sonné mais avec toujours une très haute idée de lui-même, de son destin. Et c’est avec une ruse tout orientale que l’agent Piro amène le raïs à se livrer. Sans doute très éprouvé après neuf mois de clandestinité et deux mois de détention, le prisonnier abandonne un à un les oripeaux de sa carapace de tyran. La véhémence tautologique dont il fera preuve pendant son procès, en 2006, n’est pas encore de mise. Mais, parfois, il se ressaisit et botte en touche face aux questions les plus embarrassantes – comme celles concernant l’exécution de la quasi-totalité de ses ennemis politiques ou les exactions massives commises contre les civils kurdes et chiites. Ébéniste de la langue de bois, Mozart de la rhétorique, souvent roublard, toujours sûr de lui, l’homme aux trois guerres responsables de la mort d’au moins deux millions d’Irakiens apparaît très satisfait de son bilan. Car, comme il le concède lui-même, « être en paix n’est pas chose facile ».

À noter, enfin, que le document final déclassifié par le FBI n’est pas un interrogatoire classique comprenant des questions et des réponses. Il s’agit d’un compte rendu en style indirect rédigé par Piro, entrecoupé de citations de Saddam Hussein. Il comporte par ailleurs d’importants passages censurés qui n’ont pas bénéficié de la levée du secret-défense pour raisons de « sécurité nationale ».

Habilement construit, ce document est aussi un outil de communication justifiant, a posteriori, vingt ans de politique américaine en Irak, même s’il n’y est que très rarement question de l’activisme officiel ou secret de Washington au Moyen-Orient. Il faut également mentionner une note confidentielle dans laquelle l’agent spécial souligne avoir obtenu la confiance de Saddam Hussein « en n’étant pas menaçant » avec lui. Même si, deux ans avant le procès du président déchu, il a expliqué clairement à celui-ci que « sa vie touchait à sa fin ».

C’est sous ces réserves que Jeune Afrique vous livre les principaux temps forts des confessions de Saddam Hussein, l’héritier galonné de Nabuchodonosor. Un témoignage qui aura un jour sa place dans les livres d’histoire.

Contexte de l’interrogatoire

« Je parlerai de tout, sauf si cela blesse mon peuple, mes amis ou l’armée », met en garde Saddam, qui est tendu lors des premières entrevues. Il précise : « Je pense que les questions devraient être posées dans le cadre d’un dialogue et non pas d’un interrogatoire. » Selon Piro, Saddam s’est progressivement détendu au cours de leurs rencontres, s’autorisant parfois à rire en évoquant certains souvenirs. « C’est difficile de parler de moi », affirme pudiquement l’ex-dictateur, qui parle souvent de lui à la troi sième personne. De même, il lui arrive d’opposer le secret d’État aux relances trop insistantes. « Si vous décidez de publier un livre de nos entretiens, assurez-vous qu’il soit aussi traduit en arabe », demande-t-il. Autre exigence du « détenu de haute valeur numéro un », selon la terminologie du FBI : que l’agent Piro s’adresse à lui comme à un chef d’État. « Je ne suis pas l’ex-président irakien. Je suis toujours le président de l’Irak. »

Arrestation et cavale

Saddam affirme avoir quitté Bagdad le 10 ou le 11 avril 2003, alors que la capitale était sur le point de tomber aux mains des Américains. Il a présidé une dernière rencontre avec ses principaux lieutenants en leur ordonnant de se disperser : « Nous continuerons la lutte clandestinement. » La ferme où il fut arrêté, en décembre 2003, est la même que celle dans laquelle il s’était réfugié en 1959 après une tentative de putsch contre le président Kassem. Il est convaincu que sa planque a été dénoncée par un traître. Mais, dit-il, « Dieu nous a enseigné de ne pas être surpris d’être trahi ». Interrogé sur l’existence d’un ou de plusieurs sosies durant les derniers mois de son règne, il répond : « C’est de la fiction, du cinéma. » Invité à préciser quel était son véhicule de fonction à la veille de l’attaque américaine, et plus précisément s’il s’agissait d’une Mercedes noire, il répond : « Peut-être, nous avions des Mercedes de toutes les couleurs. » Il confirme l’existence d’une vingtaine de palais présidentiels, des « propriétés du peuple », construites plus pour des raisons de sécurité que pour le confort. La mobilité du raïs est en effet considérée comme l’une des clés de sa longévité politique.

Commentant la fin tragique de ses fils [Oudaï et Koussaï, tués par l’armée américaine le 22 juillet 2003 à Mossoul alors qu’ils étaient pressentis pour succéder à leur père et figuraient dans le premier carré des 55 digni taires dont la tête avait été mise à prix par Washington, NDLR], Saddam explique : « Je pense encore à eux et à la façon dont ils ont été martyrisés. Ils resteront des exemples pour chacun dans le monde entier. »

Son bilan et son prestige

Saddam considère avoir servi le peuple irakien pendant de longues années. Ses plus grandes réussites sont la mise en place de programmes sociaux et les améliorations enregistrées sur le plan économique, l’éducation, le système de santé, l’industrie, l’agriculture. « Il n’y a pas d’orphelins dans les rues en Irak », assure celui qui prétend n’accorder que peu d’importance à ce que les gens disent ou pensent de lui aujourd’hui. L’essentiel est ce que retiendra l’Histoire, dans cinq cents ou mille ans. Saddam pense qu’il sera reconnu pour sa loyauté et pour avoir « résisté à l’oppression ». Malgré les souffrances de la guerre contre l’Iran et de celle du Golfe, il souligne que le peuple irakien l’a réélu en 2002 avec 100 % des suffrages.

Quand il était au pouvoir, peu d’Irakiens se souciaient de savoir qui était sunnite ou chiite. Le parti ne consi­dérait pas l’appartenance ethnique ou religieuse. Ainsi l’un des principaux caciques du régime, Tarek Aziz, était-il chrétien. « Vous seriez même surpris d’apprendre qu’en 1964 le secrétaire général du parti était kurde », confie-t-il.

Sa conception du pouvoir

Saddam se décrit comme un « révolutionnaire qui aime le peuple et le parti ». « Si j’avais voulu être un politicien, j’aurais pu. Mais je n’aime ni la politique ni les hommes qui la font », dit-il.

« Un leader ne se fabrique pas dans une usine en Europe. Il se développe graduellement », ajoute l’ancien maître de Bagdad, qui s’est toujours senti tenu par « une obligation morale envers le peuple irakien ». Il prétend ne pas aimer le pouvoir pour le pouvoir et affirme avoir demandé à deux reprises, en 1968 et en 1974, à être déchargé de ses responsabilités au sein du parti Baas. Il aurait pu devenir « fermier ». Mais le parti a refusé son départ. Et, en 1979, c’est parce que son prédécesseur Ahmed al-Bakr, malade, l’en a « imploré » qu’il a accepté de lui succéder. Il considère que certains se sont opposés à sa nomination car ils savaient qu’« il ne serait pas facile à instrumentaliser ». Avant de conclure : « Je n’ai peur de personne, je n’ai peur que de Dieu. »

Interrogé sur une conférence de gouvernement où on le voit avec un cigare, Saddam concède « fumer rarement », et seulement « en période difficile ». Quant au culte de la personnalité qui a marqué les dernières années de son règne : « Les citoyens irakiens choisissaient eux-mêmes d’afficher le portrait de Saddam Hussein dans leur domicile. »

Quand on lui demande s’il a commis des erreurs pendant son quart de siècle à la tête de l’État, il élude : « Vous pensez que je vais dire à mon ennemi que j’ai commis une erreur ? »

La révolution baasiste de 1968

Saddam Hussein dresse un portrait sombre de la société irakienne avant la prise de pouvoir par le parti baasiste et souligne l’importance de son rôle personnel dans le coup d’État révolutionnaire.

En 1968, le peuple irakien n’avait « presque rien ». Les terres agri coles étaient négligées et les méthodes d’agriculture, archaïques. L’économie irakienne dépendait presque exclusivement de la production de pétrole, principalement destinée à l’exportation et exploitée par des compagnies étrangères dont le contrôle échappait au gouvernement. L’Irak avait beaucoup à apprendre des autres pays. Saddam et ses compagnons ont intensément voyagé dans d’autres pays arabes. Ils ont découvert que Le Caire et Damas étaient beaucoup plus avancés que Bagdad. Ils ont aussi visité l’URSS, la France, l’Espagne, l’Iran et la Turquie. Mais, précise-t-il, « nous n’avions pas oublié que nous étions arabes et irakiens, et que les Irakiens ont leur propre façon de vivre entre eux ».

Sur les conditions du coup d’État militaire qui a renversé le président Abd al-Rahman Aref, en 1968, il af firme avoir tout fait pour éviter « un bain de sang ». « C’est moi qui commandais le tank qui a bombardé le palais présidentiel. »

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nterrogé sur la participation du colonel Abderrazak Nayif, le chef du renseignement militaire, il se souvient que celui-ci avait proposé de collaborer avec les « révolutionnaires » mais que, finalement, il avait été écarté du coup. « Avec une seule arme, j’ai saisi toutes celles de Nayif et de sa garde. C’était comme au cinéma, fanfaronne l’ex-raïs. Quand je promets quelque chose, je le fais. Nous avions promis qu’aucun mal ne serait fait au président Aref, et il ne lui est rien arrivé. » Le colonel Nayif, lui, fut assassiné à Londres peu après le coup d’État. Questionné sur les auteurs de cet attentat attribué aux services secrets irakiens, Saddam répond : « Dieu a tué Nayif. Il avait commencé à mener des actions hos tiles à son pays. Il s’est rendu en Iran, a rencontré Massoud Barzani [le leader historique kurde, NDLR] dans le Nord irakien, et, selon certaines sources, il a rencontré Moshe Dayan [militaire et homme politique israélien, NDLR]. C’était des mauvaises actions. Qui l’a tué ? C’est un autre problème. Seul Dieu le sait. »

Interrogé ensuite sur l’assassinat, en 1980 à Bagdad, de l’ancien ministre des Affaires étrangères Abdelkarim Shaykhly, il résume « tous les crimes ne sont pas résolus » et rappelle que l’on n’a pas non plus identifié ceux qui avaient tenté de supprimer Tarek Aziz ou son fils aîné Oudaï [blessé de quatre balles au volant de sa Porsche en 1996, NDLR].

http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAJA2535p018-025.xml0/-Irak-Saddam-Hussein-FBI-Saddam-Hussein-revelations-d-outre-tombe.html

2 commentaires:

  1. pas de pitié pour Sadam, il est mort comme un lapin, il n'a aucune dignité. Son arrogance et sa grande gueule cachaient sa lacheté. Saddam a laissé mourrir ses enfants en se cachant dans un trou à rat, quelle honte. Tout se paye , la bonté ainsi que la méchanceté. Il a eu une mort qu'il a mérité. Wassalam

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  2. Il est toujours vivant. Et il reviendra! Tu est stupide dans sa jalousie. Casse ta gueule, chien!

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