lundi 20 juillet 2009

Opinion : Quand le coup d’état mène aux urnes... et les urnes aux coups d’état, par Ahmed Ould Saleck


Finalement ce qui devait arriver advînt. Un coup d’état est lavé à l’eau bénite des urnes. Nous aurons été les premiers au monde à avoir inventé le procédé: faire un coup d’état, puis tailler l’élection qui va avec. Rendons-en grâce à nos lumières politiques, vétérans de toutes les batailles ayant fait date...



...prompts à soutenir les coups d’état dans l’heure, et toujours rétifs quand il s’agît des urnes. Je préfère m’adonner pour une fois à la facilité et crier à la théorie du complot à Dakar, car l’idée que ces politiques chevronnés aient été naïfs, au point de croire qu’un général qui n’a accepté de lâcher un simple poste à la présidence puisse lâcher la présidence elle même, ne m’enchante guère. Y avait-il eu à Dakar des ententes secrètes? Quelques éléments connus du processus entamé à Dakar laisseraient perplexe le moins averti des observateurs:
- les négociations sont menées à l’étranger et non sur un point du million de kilomètres carrés calme et désert dont dispose la Mauritanie. Mais en Mauritanie tout se sait, et manifestement certaines choses ne devaient se savoir. Saura-t-on un jour lesquelles?
- La date des élections, le délai de dépôt de candidature, la durée de la campagne, ne permettent de dépôt de candidature que pour le FNDD, ou de candidats fortement en rapport avec l’un des deux camps. Les listes électorales sont impossibles à réviser, les erreurs impossibles à corriger, les inscriptions précipitées et hasardeuses. La campagne commençait pour les uns alors qu’elle finissait déjà pour les autres. Aucun observateur crédible n’a le temps de se déployer - finalement seuls des observateurs institutionnels (UA, OIF, LIGUE ARABE, ACP, etc.) peu critiques, en raison de leur posture diplomatique, et généralement grands valideurs d’élections sous les régimes très peu démocratiques de nos latitudes arabo-africaine, seront là.
- La nomination d’une CENI qui n’avait d’autres choix que travailler avec les listes électorales, les cartes, les bulletins de vote, confectionnés sous l’égide de la junte, et de surcroît ne pouvait matériellement procéder à changement dans les structures locales déjà désignées sous les généraux.
- La nomination d’un ministre de l’intérieur qui n’avait aucune habilitation à changer l’administration territoriale, nommée en totalité et sur base strictement partisane par les putschistes. Hors que l’on sait que c’est l’administration territoriale et non le ministre depuis son bureau Nouakchottois, qui est directement en rapport avec les opérations de vote.
- Le maintien en totalité du HCE, prétendument sous l’égide d’un gouvernement, gouvernement qui ne peut lui-même nommer ni révoquer dans sa propre administration, à fortiori au sein de l’organe putschiste, véritable dépositaire du pouvoir.
- La démission du président élu, concomitante à la candidature FNDD, qui, comble de l’absurde, se targue de légalité.
- La candidature anticipée et en sous-marin du RFD, par la voix de son vice-président, pendant que son président joue le camp adverse. Tout porte à croire que cette scission fut tactique plus qu’elle n’a été politique, pour parer toute mauvaise surprise, et ce par la technique bien expérimentée de la brouille affectée. D’aucuns pensent qu’une autre brouille entre cousins et camarades putschistes du CMJD relèverait elle aussi de la même tactique. Le silence de l’ancien président du CMJD sur le putsch des généraux, sa subite candidature, sa campagne inhabituellement austère, sont autant une caution à cette théorie elle-même, au putsch de 2008, et au processus électoral qui en fut l’issue.
- Les prolongations sur le sort du HCE, qui n’avaient d’autres but, il faut croire, que grignoter sur le délai déjà fort étriqué de Dakar. Le dépôt de candidature s’effondrait à 48 heures.
Tous les ingrédients du fait accompli étaient donc là, et autant dire ceux du complot aussi. Impossible au FNDD de ne le savoir.
Le 18 juillet, nous l’annoncions déjà, il y eut, comme il était entendu, une victoire, martiale, sans appel: celle du putschisme. Cette victoire a fait aussi trois morts, politiques, trois présidents: le président élu, le président de l’assemblée nationale, le président de l’opposition démocratique, tous trois frappés désormais par la limite d’âge aux présidences. Sauront-ils transformer cette mort en libération? sauront-ils s’opposer jusqu’au bout au fait accompli, défendre la légalité pour la seule légalité, la démocratie pour la seule démocratie, maintenant qu’ils n’escomptent plus de fauteuil présidentiel? ou bien au contraire finiront-ils dans des négociations à nouveau, chez un voisin facilitateur, afin de recueillir les derniers deniers qu’il leur sera possible de prendre pour eux-mêmes, pour leur camps, ou pour les leurs?
En tout cas c’est certain, et nous l’aurons tous compris à présent: les coups d’état, avec élections ou sans, mènent aux coups d’état. Il ne sert à rien de se dérober de cette vérité, âprement vérifiée dorénavant. La loi et le principe ne se négocient.
Reste maintenant que la forfaiture du 18 juillet n’est qu’un appel à nouveau à coup d’état, à élections putschistes, et autres stratagèmes ingénieux de validation...

Suite de l’article... très prochainement.

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