lundi 3 août 2009

Ce que m’a inspiré l’interview du Président des FLAM par Hamdou Rabby SY



Merci, M. THIAM pour la hauteur de vue qui anime et traverse vos propos qui, j’espère, vont insuffler un sursaut décisif aux FLAM et aux combattants de la liberté qui se sont recroquevillés sur eux-mêmes, comme si le mouvement de l’Histoire ne les concernait plus.



Ce que m’a inspiré l’interview du Président des FLAM par Hamdou Rabby Sy
Je remercie le Président des FLAM pour la qualité intellectuelle et politique de son entretien. Il intervient à point nommé pour apporter un certain nombre de clarifications. J’espère que la lecture critique (dans le sens utile) sera effectuée par les militants avertis et concernés. Il est essentiel de susciter un débat fécond et constructif sur les propos de M. THIAM, dont la teneur argumentative et informative, ne cède en rien, à la rigueur de l’analyse, en évitant des polémiques stériles, des règlements de compte insensés, le silence de l’indifférence et de la paresse de démission.
Les réponses fournies par M. Samba THIAM sont claires et pertinentes. Il ne s’agit pas d’adhérer ni de contester les propos, n’étant pas témoin de l’action militante interne à son organisation, mais d’exprimer mon point de vue par rapport à la profondeur de ses vues et à la réaffirmation d’une ligne de combat dont le sens et l’actualité sont rappelés en substance.

Au moment où le doute envahit les esprits par rapport à l’avenir des FLAM au regard de toutes les mutations intervenues, il était important que le président de l’organisation se prononçât pour apporter un certain nombre de réponses. Une organisation de l’envergure des FLAM ne pouvait pas se contenter d’observer le mutisme devant des événements importants qui déterminent le destin de notre pays. Nul ne peut se satisfaire de cette situation de l’organisation qui porte le flambeau du combat contre le racisme, l’oppression et l’esclavage.

A mon avis, l’interview de M. THIAM revêt une signification particulière et mérite d’être auscultée afin d’en tirer toute sa portée politique. Le perfectionnisme tendancieux des mauritaniens qui n’est autre qu’une variété d’un manque d’audace ne permet pas souvent de mettre en perspective des contributions de qualité, se contentant du persiflage et du dénigrement des auteurs de prises de position réfléchies et responsables. Au moment où les Mauritaniens retiennent leur souffle par rapport à la nomination d’un premier ministre chargé de constituer un gouvernement, les paroles du premier responsable des FLAM sont à entendre comme un appel à la vigilance et à un sens profond de la responsabilité.

Un militant averti peut trouver des points de contestation, des aspects à clarifier et des points de litige, mais un élément extérieur à cette histoire peut exprimer son appréciation en toute liberté, chose la moins autorisée à nous autres mauritaniens, enfermés dans une idéologie du refus de la contradiction et du mépris de la libre expression. Notre conscience malheureuse, prisonnière de l’enfermement, de la haine et de l’intolérance, éprouve de réelles souffrances à procéder à l’appréciation du discours avec distance et recul nécessaire. La vacuité idéologique, politique et théorique ne fait que favoriser et développer les discours du conservatisme, de l’arriération et de la langue de bois. Ce qui n’est pas le cas des propos du Président des FLAM.

L’analyse que M. THIAM fait du processus électoral, qui a vu le général remporter les élections, est très pertinente. Le principe démocratique ne peut se réduire à l’organisation des élections dont le vainqueur est, assurément, celui qui contrôle le pouvoir. En ce sens, le président des FLAM a mis l’accent sur des aspects essentiels de notre rapport au pouvoir qui, sont des rapports de fatalisme, révélateurs de nos difficultés à résister, ne serait-ce qu’en pensée, contre la culture du fait accompli et de la dictature du consensus.

L’appel au renouvellement des cadres en invitant les jeunes à occuper la direction de l’organisation est une exigence fondamentale pour entretenir la flamme du combat. L’essence de la vie est le renouvellement, de même que le changement est la loi de l’Histoire. Comment maintenir la même élite pendant plusieurs années ? Il est impérieux de laisser de nouvelles générations assumer des responsabilités, afin d’apprendre à se confronter au principe de réalité en politique. La jeune génération a ainsi besoin de comprendre que la politique, ce n’est pas des problèmes mathématiques, des dissertations, des diagnostics de patients ou de manipulations dans des labos. Ce sont des problèmes plus complexes et plus subtils. La politique exige une mobilisation de toutes nos ressources, une abnégation à toute épreuve, des sacrifices à consentir.

Il ne faut pas se leurrer, le combat sera long; la Mauritanie n’est pas encore entrée dans l’ère de la démocratie. Des batailles rudes sont à venir; ce qui n’exclut pas des préjugés favorables pour le nouveau président, dans le sens de la mise en œuvre probable d’une politique du changement. Il ne suffit pas de vouloir, il faut pouvoir. Le contexte dans lequel un président accède au pouvoir détermine les modalités de la pratique du pouvoir. Il faut sortir des attentes qui ne traduisent que le scepticisme et la résignation. Il y a deux manières de faire allégeance à un pouvoir qu’on ne reconnaît pas véritablement : relativiser l’avenir de ce qu’il peut mettre en place ou adopter l’indifférence. Le relativisme comme l’indifférence sont les figures du défaitisme. Il en résulte que le compromis passif est la réplique de l’implication de complaisance dans un processus dont la caducité est inhérente à sa nature.

En effet, l’entretien du leader des FLAM a mis le doigt sur l’impasse dans laquelle est plongée la classe politique, par manque de persévérance dans la résistance contre le coup de force du 6 août 2008. Un beau matin, la contestation s’est tue, les manifestations n’étaient plus opportunes ; même les critiques du coup de force n’étaient plus appréciées. Un conformisme actif et agressif s’est constitué. Il a fallu traverser le fleuve pour revenir avec des accords et s’engager dans une bataille perdue. Comme pour se donner bonne conscience, tous les acteurs politiques sont entrés dans l’arène pour conquérir le suffrage universel.

Sur la situation des intellectuels, M. THIAM a soulevé un aspect qui intrigue tous les mauritaniens qui n’ont pas une explication sociologique sur cette absence troublante. A cette absence s’ajoute le manque de vitalité dans la production intellectuelle. Si les querelles intestines et les attaques personnelles pouvaient être considérées comme des productions, des bibliothèques seraient constituées. Le mal est profond, le malaise est réel, les réponses et les proclamations sont minces. Il y a même une revendication ostentatoire du vide et de l’impuissance à faire exister une tradition de la codification. La prise de conscience est si forte qu’elle devient source de paralysie, d’inertie et d’immobilisme.

Il nous faut d’abord fournir l’effort de transcrire nos échanges et nos conversations, qui, codifiées, nous donneraient une base textuelle qui inspirerait nos talents en jachère. Les grands militants sont invités à témoigner de leur expérience de vie, de leur parcours d’exil. De ce point de vue, il faut saluer le courage de nos militaires, à leur tête BOYE Alassane Harouna, qui vient de faire paraître son troisième livre.

Il faudra un jour espérer que, nos militaires soient aussi, les porteurs de la tradition littéraire et intellectuelle. Ils prennent le pouvoir et par les armes et par la plume! La pauvre élite civile s’enorgueillit de diplômes qui n’ont encore rien prouvé, se contentant de vivre dans un attentisme qui les rend stériles et ridicules aux yeux d’un peuple désespéré devant l’impuissance coupable et le fatalisme opportuniste de ses lettrés. La remise en cause sévère, le questionnement existentiel, l’examen de conscience sont nécessaires pour ne pas continuer à sombrer dans l’abîme. La valeur de l’instruction consiste à changer sa manière de voir, de faire, d’agir et de se donner une éthique dans le sens du respect des engagements essentiels.

Les intellectuels mauritaniens ne sont pas inspirés du fait qu’ils ne se donnent plus le temps de la lecture, de la réflexion et de l’écriture. Prisonniers des rumeurs, des préjugés sociaux et de l’exaltation de soi, ils préfèrent ne pas consentir des sacrifices inhérents à ce statut fondé sur l’exigence et la rigueur. Attentistes et inscrits sur la liste des nominations qui ne viendront jamais, ils ont abdiqué sans avoir commencé à esquisser quelques pensées, dont la teneur subversive est constitutive de toute revendication de la dignité. Un intellectuel qui ne conteste pas l’injustice, l’oppression, la domination n’est pas un intellectuel. Obtenir un diplôme universitaire ne suffit pas pour définir l’intellectuel. L’insolence et l’arrogance ayant pour cibles les personnes non détentrices d’aucun pouvoir ne confèrent pas la posture intellectuelle. Le larbinisme, l’opportunisme et le carriérisme ont pollué les esprits au point que, même les plus intelligents sont victimes de la médiocrité ambiante. La facilité avec laquelle les diplômés courtisent les détenteurs du pouvoir en dit long sur leur démission.

Se positionner comme un intellectuel suppose la capacité de révolte fondée sur un travail en profondeur sur soi par la médiation de l’appropriation des outils théoriques au service d’un engagement. Quand le verbiage se dédouble de la vulgarité, les futilités et les insultes tenant lieu d’arguments, quel espace intellectuel peut-il se constituer ? Une société qui demande à ses membres de renoncer au sens de la dignité, de l’honneur peut-elle voir grandir en son sein des esprits libres, cultivés, enthousiastes pour la culture et la pensée ? Car, être un intellectuel exige une passion pour le savoir, le courage de la vérité, la détermination pour l’engagement et la vertu de la transgression, toutes choses que n’affectionnent pas les Mauritaniens. L’auto-proclamation, les acclamations et les applaudissements faciles ne confèrent point le statut d’intellectuel. Ce noble statut repose sur des exigences fortes de dynamisme de l’esprit et d’érudition permanente avec une confiance en la raison et une adhésion vivante à la rationalité et au progrès. Ce qui ne peut s’obtenir par des polémiques dans le vide et les attaques personnelles qui ne produisent jamais une dynamique porteuse des échanges de qualité s’alimentant et s’enrichissant de contradictions et de divergences de points de vue.

Le vivier spirituel de l’ambiance intellectuelle est l’éthique de la discussion et de la dialectique argumentative où la confrontation et la tension portent sur des idées, des idéaux et des modalités de leur traduction en actes et en pratiques. Telle est la source nourricière de la configuration de constellations d’intelligibilité pouvant féconder la réalité d’une communauté intellectuelle vivante et agissante. Car, la communauté intellectuelle n’est pas un regroupement d’agités et d’excités qui se nourrissent de calomnies et de dénigrement des autres. Ce sont des subjectivités autonomes, libres et jouissant d’un désir vital de penser et d’une volonté d’érudition, sur fond d’engagement avec, comme vertu cardinale la probité intellectuelle, qui sont les membres réels d’une communauté intellectuelle.

Des individus isolés qui se gargarisent de prétentions et de répétitions du même, experts en mensonges et en rumeurs, furent-ils les plus diplômés, ne peuvent nullement, insuffler une authentique vie intellectuelle. Des plaintifs aigris, postés dans l’arrière-cour des icônes qui ne sont que des pantins d’une farce nationale ne peuvent pas prendre en charge le sacerdoce de la pensée. Rongés par le désir de reconnaissance, ils s’épuisent en recherche de stratégies pour entrer dans la cour et dans les coulisses du pourvoir des chimères et des illusions, n’en récoltant que de la frustration et de l’humiliation. Quel manque de respect pour l’intelligence de la part des ces fanfarons qui ont oublié les souffrances endurées pour en arriver là ! La misère morale vient ainsi aggraver notre pauvreté économique et notre déficit du sens de l’envergure et de la hauteur de vue.

L’univers social et culturel pauvre qui caractérise la Mauritanie constitue le terreau de la médiocrité, matrice commune aux Mauritaniens. Le rêve d’obtenir des postes sans mérite, ni combat, dans une logique de promotion, par la facilité, ne permet pas de promouvoir la constitution d’une élite intellectuelle. La Mauritanie a, pourrait-on dire, les intellectuels qu’elle mérite : des courtisans opportunistes, chercheurs de postes et chasseurs de primes. La combinaison de la lâcheté et de la paresse est l’obstacle majeur à l’émergence de cette catégorie qui ne peut se définir que par l’usage fécond de l’esprit.

Il existe bel et bien un héroïsme intellectuel qui ne peut être porté que, par des âmes qui vibrent pour le savoir, se nourrissent des lettres et adhèrent au code déontologique propre à la vie de l’esprit. Une société qui ne pratique pas des moments de silence, de recueillement, de concentration, engendre difficilement des intellectuels.

Il suffit de séjourner dans les sociétés occidentales, d’utiliser les transports en commun, de fréquenter les lieux de la culture et du savoir pour se rendre à l’évidence que notre intelligentsia s’est fourvoyée en se trompant de combat. La logique de la survie n’exclut pas le souci d’accomplir ses missions. Bon nombre d’entre nous, ont oublié qu’ils avaient un contrat de dignité avec leurs propres objectifs. Il y a des reconversions qui s’opèrent et qui annoncent des lendemains de crétinisme aigu et d’illettrisme crucial.

En effet, la Mauritanie est exposée au risque de se retrouver avec des diplômés incultes. Ce n’est pas un secret, la vie de l’esprit a ses us et coutumes qu’il faut absolument et rigoureusement respecter. L’oubli de l’essentiel et le manque d’humilité ont provoqué un déficit notoire d’aspirations et d’ambitions dans le sens le plus noble. L’intelligence ne peut se fortifier en l’absence du sens de la grandeur, de la mesure et du respect de la différence. Le camouflage, le brouillage, la mégalomanie, la mesquinerie sont néfastes pour l’esprit. Ce que nous voulons désigner comme élite intellectuelle est représentée par de pauvres braillards, peu convaincus de la nécessité de penser et ne font que se mettre en scène, de manière minable et enfantine. Il n’en sortira rien de grand, de sérieux et de consistant.

Il faudra rendre compte de cette aporie qui inquiète tout le monde et pose la question de la légitimité de nos lettrés quant au bien fondé de leurs diplômes. La prise de conscience est une étape importante dans toute entreprise de fondation, mais elle ne peut suffire. Le fondement d’une tradition repose sur la nécessité de se mettre au travail et de ne jamais désespérer.

Merci, M. THIAM pour la hauteur de vue qui anime et traverse vos propos qui, j’espère, vont insuffler un sursaut décisif aux FLAM et aux combattants de la liberté qui se sont recroquevillés sur eux-mêmes, comme si le mouvement de l’Histoire ne les concernait plus.


© Hamdou Rabby SY

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