mardi 4 août 2009

Présidentielle : On joue les prolongations / MFO


Présidentielle : On joue les prolongations / MFO







Décidément, les hommes politiques ne digèrent pas le passage au premier tour du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz. Si les cinq «petits» candidats – Sarr Ibrahima, Jemil Mansour, Saleh Hanenna, Kane Hamidou Baba et Hammadi Ould Meimou – ont reconnu les résultats et même félicité l’heureux gagnant, ce n’est pas le cas des autres.

Ahmed et Messaoud, encore ensemble

Initialement prévue pour trois, la conférence de presse sera animée par Mesaoud Ould Boulkheir et Ahmed Ould Daddah. Ely Ould Mohamed Vall ne sera pas de la partie. Différence de ton ? ou d’approche ? sinon d’appréciation ? Pas d’explication sur le champ. On sait cependant que le communiqué publié a été élaboré sur les lieux de la conférence, qu’il n’y avait donc pas d’accord préalable. C’est peut-être pourquoi la lecture du communiqué a été accompagnée d’une séance de rétroprojection. Mohamed Mahmoud Ould Maloum dans ses œuvres. Powerpoint à l’appui, il fallait démontrer l’ampleur de la fraude. Pas question de preuves réelles, rien que des présomptions qui se rapportent à la manipulation supposée du fichier électoral et à l’invraisemblable manipulation chimique. Juste de quoi rappeler que les déboires de l’opposition au lendemain de la présidentielle de 2003 avaient, à l’origine, pour raison le GRAB II… suivez le guide… Place aux leaders Ould Boulkheir et Ould Daddah.

Dans leur déclaration commune, les deux candidats arrivés deuxième et troisième demandent la constitution d’une commission d’enquête. Pour eux, «la décision du Conseil Constitutionnel de validation du scrutin du 18 juillet 2009 est intervenue dans le contexte de la démission du président de la Commission Électorale Nationale indépendante (CENI) après sa prise de connaissance du contenu des requêtes présentées par les candidats pour invalider les résultats du scrutin ; le Conseil Constitutionnel a pris sa décision de validation du scrutin sur la base d'un communiqué de la Commission Électorale Nationale indépendante (CENI) controversé, signé et rendu public par une personne non habilitée à le faire, le secrétaire général ; le Conseil Constitutionnel a curieusement adopté sa décision de validation en toute hâte et sans attendre l'avis qu'il avait demandé par ailleurs à la Commission Électorale Nationale indépendante (CENI) encore en réunion au même moment. Nous notons que malgré l'extrême complexité du dossier et le délai légal imparti de 8 jours, le Conseil Constitutionnel a pris la décision de rejet des requêtes en annulation en moins de 48 h de sa saisine».

Conclusion : «Il est manifeste que la décision du Conseil Constitutionnel n'a aucunement tenu compte des faits particulièrement graves repris dans nos requêtes et qui, pour le moins, exigent que des enquêtes sérieuses soient menées pour s'assurer de la régularité du déroulement du scrutin du 18 juillet 2009». En cause pour eux, «les violations systématiques des dispositions de l'accord cadre de Dakar» jamais dénoncées au moment où elles intervenaient; «les caractéristiques techniques du bulletin de vote utilisé», allusion à cette prétendue manipulation chimique ; «le fichier électoral et l'état civil» dont l’audit a été fait par des experts nationaux et internationaux dont la compétence en la matière est avérée; «le vote multiple, surtout le vote commandé des militaires», nonobstant le fait qu’aucun PV ne comporte de réserves sur la question ou sur toute autre irrégularité; «l'achat public des consciences», démarche moralement répréhensible et largement pratiquée par tous; «le niveau anormalement élevé des bulletins nuls et ceci en dépit des dispositions réglementaires prises pour faciliter les votes» dont le nombre est aux environs de 34000 contre près de 130000 en 2007…

«En conséquence, tout en prenant acte sur le plan juridique de la décision du Conseil Constitutionnel, nous considérons que la crise politique reste entière étant donné que le scrutin du 18 juillet 2009 n'a été ni libre, ni démocratique, ni transparent en raison des manœuvres et manipulations frauduleuses du processus électoral contraires aux prescriptions de l'accord cadre de Dakar et à la loi électorale mauritanienne, remettant fondamentalement en cause le choix des électeurs». Les deux leaders réitèrent leur attachement aux institutions démocratiques et «à l'esprit et à la lettre de l'accord cadre de Dakar» ainsi que leur «disposition à rechercher une solution d'apaisement afin d'éviter que (le) pays s'installe dans une grave crise post électorale». Ils demandent en conséquence «la constitution immédiate d'une commission d'enquête consensuelle chargée de faire la lumière sur l'ensemble des griefs relevés». Après avoir épuisé tous les recours légaux, il est difficile d’imaginer la reprise du comptage des voix ou encore la remise en cause des résultats par un mécanisme qui n’est pas prévu dans la législation. Pour l’avenir, il faut peut-être donner ce rôle à la CENI pour lui éviter des incidents de parcours comme la démission de son président.

Ely en solitaire

L’ancien chef d’Etat de la première transition, candidat arrivé sixième dans la course de 2009, a finalement préféré faire cavalier seul. Son absence lors de la conférence de presse des deux autres candidats contestataires, était justifiée par son refus d’adhérer à une démarche qui reconnaît une quelconque légalité. Mais pour lui «il n’a jamais été question d’une présence ce jour-là». C’est bien pour montrer ses différences qu’il a décidé d’animer une conférence de presse chez lui. Pour lui, «le scrutin du 18 s’est passé dans les conditions du 6 juin et dans l’objectif de légitimer le coup d’Etat par la fraude». Toujours sans donner de preuve palpable, le candidat Ould Mohamed Vall a précisé : «le pouvoir ne peut se prévaloir d’aucune légitimité». Ce qui fait que le pays est «plongé dans une véritable crise qui risque d’avoir pour conséquence une expression violente».

Il dira également qu’il ne peut participer à une action politique dans l’état actuel des choses car la Mauritanie est retombée dans l’ère des pouvoirs personnels qui existaient dans les années 70 et 80 du siècle dernier et qu’elle vit actuellement dans une période pire que celle qu’elle avait connue entre 2003 et 2005, et que «les autorités putschistes doivent savoir qu’elles sont illégales». Ould Mohamed Vall a appelé les autorités actuelles du pays à travailler en vue de créer une atmosphère appropriée pour résoudre ce qu'il a appelé la crise politique, climat qui impose, selon lui, la participation de tous, sans exception, et non pas seulement la participation de parties données et que la solution qui sera trouvée soit consensuelle. A propos de l’accord de Dakar, Ould Mohamed Vall dira qu’il s’est personnellement investi, tant sur le plan national qu’international, après le coup d’Etat du 6 août, dans la recherche d’un terrain d’entente pour résoudre la crise et que l’accord à Dakar a été bafoué et n’a été appliqué qu’à 10% et a dû faire face à une réalité politique et administrative créée les autorités, qu’il a qualifié de «putschistes», permettant à l’une des parties d’organiser les élections conformément à sa volonté, et de les truquer.

"Je pense que suite à cette élection frauduleuse, le pays est plongé dans une crise politique dont la solution résiderait dans la recherche d'un consensus national", a-t-il indiqué par ailleurs. "Au lieu de résoudre le problème du putsch du 6 août, cette élection a enfoncé le pays dans une crise dangereuse en ce sens qu'elle a légitimé, légalisé un coup d'Etat et placé le pays dans une situation de putsch continu", a-t-il estimé. Il a affirmé que les institutions ayant la charge d'enquêter sur les fraudes comme le Conseil constitutionnel et la commission électorale "n'avaient pas joué leur rôle".

Pour ou contre l’apaisement

D’autres voix s’élèvent ici et là pour tantôt appeler au réalisme, tantôt exiger la détermination dans le refus des résultats. L’une des voix les plus significatives – vu le rôle joué dans le refus du 6 août – est celle de l’organisation clandestine Conscience et Résistance. Dans une déclaration rendue publique, CR rappelle que si les soupçons d’irrégularités sont «fondées», elles sont «à ce stade, insusceptibles d’expliquer l’ampleur de l’écart». Pour l’organisation, l’explication existe : «Piégée par les accords de Dakar où (l’opposition) n’a pas su s’adapter, préférant confier la promotion de ses arguments à des politiciens au détriment de spécialistes de la négociation, elle paie le prix lourd de son ingénuité. En 11 mois de putsch, consolidé par le pillage des ressources de l’Etat, l’intimidation et l’usage exclusif de l’administration, des forces armées et de sécurité et des média officiels, le camp démocratique partait à la compétition, avec un temps de retard décisif.

L’étroitesse du délai et la préservation des acquis du Général éloignaient d’autant la perspective de l’alternance. Pire, l’inclination sans vergogne à recycler les personnalités les plus emblématiques de la dictature de Ould Taya brouilla, auprès de l’électeur, l’image et le message du renouveau». Il faut savoir accepter les faits et assumer les conséquences de ses approches. C’est pourquoi devant la victoire de Ould Abdel Aziz, il faille adopter une nouvelle attitude. Parce que Ould Abdel Aziz «sera jugé, d’abord et rapidement, à sa capacité de rupture d’avec le modèle de domination dont il procède. Tortionnaires impunis, tolérance des pratiques d’esclavage, clientélisme tribal, groupes d’affaires véreux, mercenariat parmi les fonctionnaires, tolérance de l’esclavage, discriminations, racisme, magistrature vénale et sous-qualifiée, transit de drogue, blanchiment d’argent, désertification accélérée, les périls s’accumulent et compromettent la continuité physique du pays. Vis-à-vis de tels défis, le nouveau Président de la République consentira des signes de volontarisme, dans un délai de six mois, sous peine de décevoir avant de sombrer, comme ses prédécesseurs, dans la frénésie de l’autoconservation comme priorité absolue et raison de durer».

De son côté, Mohamed Mahmoud Ould Dahmane, secrétaire général du parti Adil – le parti qui a coûté tant à son inspirateur le Président de l’époque. «Aujourd'hui que les jeux sont faits et en l'absence de preuves irréfutables de fraudes et quelle que soit la frustration – compréhensible- que l'on peut avoir de voir perdre un candidat que tout le monde donnait favori, le courage serait d'aller jusqu'au bout dans la logique que le FNDD a choisi à Dakar. Contester, sans preuve, les résultats d'une opération qui a été entourée -au moins dans la forme- de toutes les garanties de transparence, ne ferait que discréditer le Front qui a été rationnel dans toutes les démarches qu'il a entreprises jusqu'ici.

Essayer d'entretenir l'agitation telle qu'elle a été au lendemain du 6 Août, révélera, peut-être, que le peuple du FNDD n'aspire plus qu'à la sérénité et au bien-être, après ces longs mois de tension, de brimades et de privations». Pour lui «le pire serait de rééditer l'attitude de l'opposition au Président Maaouiya O. Sid'Ahmed Taya, lui aussi un militaire venu au pouvoir par un coup d'Etat et légitimé par des élections pluralistes. L'obstination de l'opposition d'alors à nier l'évidence de la légalité et de la légitimité du pouvoir de O. TAYA, de 1992 à 2005, a non seulement hypothéqué jusqu'aujourd'hui – et peut-être à jamais- ses chances d'accéder au pouvoir, mais aussi empêché l'expérience démocratique mauritanienne de se développer normalement, car le pouvoir et son opposition sont les deux mamelles, aussi indispensables l'une que l'autre, dont se nourrit la démocratie».

La communauté internationale suit

Au niveau extérieur, les messages de félicitations arrivent chaque jour à la présidence. Les plus significatifs sont sans doute ceux parvenus de Nicolas Sarkozy et de l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique à Nouakchott. Le Président français a non seulement félicité le président élu mais s’est dit heureux de le recevoir au plus vite en France. Tandis que l’Ambassadeur américain a écrit : «Nous avons hâte de travailler avec le président élu Aziz et avec son gouvernement sur les multiples défis auxquels fait face son pays.

Nous notons également que l'Accord de Dakar a constitué la base d'un consensus national pour un retour à l'ordre constitutionnel en Mauritanie, et a offert au peuple mauritanien la possibilité de choisir son propre leader. Nous appelons le président élu Aziz, ainsi que tous les dirigeants politiques de la Mauritanie, à continuer à travailler ensemble de façon constructive et respectueuse, dans l'intérêt de leur peuple».

Dans les jours qui viennent et malgré les vacances d’août, Nouakchott accueillera de nombreuses personnalités qui viendront assister à la cérémonie d’investiture du président élu. Cérémonie qui aura lieu le 5 août au stade olympique de la capitale. Parmi les invités de marque, on note le président sénégalais Me Abdoulaye Wade, véritable artisan des accords de Dakar, et Alain Joyandet, le ministre français de la coopération.

…Au lendemain de son investiture, le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz devra nommer son gouvernement et ses plus proches collaborateurs. C’est le premier signe qu’il donnera aux Mauritaniens quant à ses véritables intentions. Déjà dimanche, le congrès extraordinaire de l’Union pour la République – la parti créé à la hâte pour le servir – lui permettra de démissionner de sa présidence pour se conformer à la Constitution.


Ould Oumère
La Tribune n°463, du lundi 3 août 2009

© La Tribune

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