mercredi 5 août 2009

Maintien en détention de Hanevy : Quand la loi est violée au grand jour / Kaw Thierno



Le procès du journaliste Hanevy Ould Dehah ouvert, le 29 juillet dernier, a été renvoyé au 5 août 2009. Cette décision a été prise par le président de la cour correctionnelle, Ahmed Vall Ould Lezgham, afin de pouvoir écouter le plaignant, Ibrahima Sarr.

La première audience, qui a connu une forte mobilisation de la presse et des militants de l’AJD/MR, a été consacrée à la lecture des procès-verbaux des interrogatoires du responsable du site Taqadoumy, lors de sa détention au commissariat Tevragh-Zeïna 2.

Le journaliste, placé en détention provisoire, devra répondre des accusations qu'il a portées contre Sarr Ibrahima. Ce dernier reproche, à Taqadoumy, la publication, le 22 avril 2009, d’un article, intitulé «la fortune soudaine d’Ibrahima Sarr», faisant état de «l’achat, par l’ancien activiste des FLAM, d’une villa à 57 millions, après s’être acquitté d’un acompte de 30 millions d’ouguiyas, sur la route de Nouadhibou, dans le secteur dit les terrains de l’université». Sarr Ibrahima se serait, aussi, toujours selon les révélations de Taqadoumy, acquitté, en amont, d'une dette de six mois d'arriérés de loyer. Sarr et ses proches avaient jugé cet article «diffamatoire et sans fondement». Le candidat avait, alors, décidé de saisir la justice.

Le collectif des avocats de la défense de Hanevy Ould Dehah dénonce l’acharnement contre ce journaliste écrivain, poursuivi, dans le cadre d’une procédure de flagrant délit, pour divers chefs d’inculpation, concoctés pour la circonstance, et placé, sous mandat de dépôt délivré par le procureur de la République, le 26 juin, en détention, depuis cette date, arbitraire puisque celle-là, selon les conseils du journaliste, demeure sans titre, c'est-à-dire, sans mandat judiciaire. Dans un communiqué rendu public, ils interpellent les autorités actuelles et celles nouvellement élues, sur ce caractère arbitraire de la détention du directeur de Taqadoumy.

Evoquant l’acharnement dont est victime leur client, les avocats précisent que «s’agissant de délits de presse mineurs, celui-ci a été, pourtant, poursuivi dans le cadre d’une procédure de flagrant délit et mis sous mandat de dépôt, le 26 juin 2009, par le procureur de la République, alors que les faits qui lui sont reprochés ne comportent aucune gravité suffisante pour justifier une telle procédure et qu’il présente tous les critères de garanties pour répondre à la moindre convocation de justice. Sa défense introduit, en conséquence, une demande de mise en liberté provisoire, devant le président de la chambre correctionnelle du tribunal régional, avec toutes les garanties de présentation ultérieure».

Quant à la détention arbitraire, les avocats soulignent que Hanefi étant, depuis le 26 juin, sous le coup d’un mandat de dépôt dont la validité est fixée, par la loi, à un mois, la défense a saisi, dès l’expiration de cette période, soit le 27 juillet 2009, le régisseur de la prison de Dar Naïm, où est détenu leur client, en demandant à celui-là de se conformer aux prescriptions de l’alinéa 3 de l’article 63 du code de procédure pénale, qui dispose que «si le délai du mandat précité dans le paragraphe précédent [il s’agit du délai d’un mois, NDLR] expire sans que l’accusé ne soit présenté en jugement, à la juridiction compétente, le régisseur de la prison dans laquelle il est détenu est tenu de le conduire au procureur de la République qui est obligé de le libérer». S’agissant d’une prescription à caractère impératif, la défense a, donc, demandé aux instances du Ministère public d’ordonner au régisseur de conduire Hanevy Ould Dehah, par devant le procureur de la République, à fin de mise en liberté immédiate.

Or, à la grande surprise des avocats et contrairement à la conduite qu’édicte la saine application des dispositions d’ordre public, le procureur de la République, pour faire table rase du caractère arbitraire de la détention et empêcher, ainsi, la cour suprême de dire le droit, quant aux décisions de rejet de la liberté provisoire, prises par les chambres correctionnelles du tribunal régional et de la cour d’appel, s’est fait, précipitamment, communiquer le dossier pour l’enrôler pour l’audience du 29 juillet 2009 de la chambre correctionnelle du tribunal régional de Nouakchott, alors que la cour suprême est saisie d’un pourvoi en cassation, dûment formalisé, contre l’arrêt de la cour d’appel.

Devant cette situation d’atteintes, graves, aux libertés individuelles et aux droits sacrés de la défense, le collectif de la défense interpelle les plus hautes autorités nationales actuelles et celle nouvellement élue, pour qu’elles interviennent, sans délai, afin de mettre fin à la détention arbitraire du journaliste écrivain Hanevy Ould Dehah, détenu sans titre, puisque le mandat en vertu duquel il est en prison a expiré le 26 juillet 2009, à 17 heures, et afin de bannir, définitivement, de telles pratiques, contraires aux normes légales, nationales et internationales. A ce dernier égard, Reporters Sans Frontières s’insurge, également, contre le maintien en détention de Hanevy Ould Dehah. "Nous soutenons la demande de son avocat, maître Ould Ebety, visant à mettre fin à cette détention arbitraire. Le mandat judiciaire, émis à l’encontre de Hanevy Ould Dehah, a expiré. A ce titre, nous exigeons sa remise en liberté, dans la mesure où son maintien en détention est une violation de la loi”, a déclaré l’organisation.


Kaw Thierno
Le Calame n°701, du mercredi 5 août 2009


© Le Calame - Août 2009

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