dimanche 2 août 2009

Déclaration de la communauté des réfugiés mauritaniens au Sénégal




Encore une fois de plus, la communauté des réfugiés mauritaniens au Sénégal tient à faire connaître à l’opinion nationale sénégalaise, mauritanienne et internationale, la situation difficile qu’elle vit dans son pays d’accueil. Elle tient, aussi, à mettre en lumière les manquements liés aux rapatriements des réfugiés mauritaniens dans le contexte du processus de démocratisation grippé qui caractérise la vie politique de notre pays ; ceci en raison du coup d’état intervenu le 6 août 2008 et ayant renversé le régime de l’ancien président démocratiquement élu de la république islamique de Mauritanie, Monsieur sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Un coup d’état qui avait conduit à une impasse politique ayant duré prés de douze mois et freiné tous les programmes de réinsertion durable des rapatriés initiés par le gouvernement renversé et qui, au demeurant, avait reçu tous les soutiens de la communauté internationale, des donateurs et bailleurs de fonds, partenaires au développement de notre pays. Cette impasse a débouché, suite aux accords de Dakar du 4 juin 2009 signés par les différents pôles politiques en conflit, à l’élection controversée et contestée, du dix-huit juillet 2009, de l’ancien Général putschiste, Mohamed Ould Abdel Aziz, à la présidence de la république. Des contestations émanant de l’opposition fondées sur des irrégularités et des accusations de fraudes électorales qui ont émaillé le scrutin et qui d’ailleurs ont été constatées par certains membres des missions d’observation chargées de surveiller cette élection présidentielle. La validation de celle-ci, par le conseil constitutionnel mauritanien, en dépit des irrégularités constatées, ne va pas sans jeter le doute sur la légitimité d’un président proclamé élu. Ces doutes persisteront tant que des enquêtes ne seront pas diligentées, pour faire la lumière sur les accusations de fraudes et sur les irrégularités relatives aux opérations électorales. Cette nouvelle situation ouvre sur une nouvelle crise de légitimité politique. Nous sommes dans l’obligation de reconnaître que l’instabilité politique qui s’éternise depuis le coup d’état anticonstitutionnel du 6 août 2008 contribue, toujours, à compliquer le processus de rapatriement des réfugiés mauritaniens du Sénégal qui a débuté le 28 janvier 2008 et faisant suite à l’accord tripartite signé entre la république du Sénégal, de la Mauritanie et le haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, le 12 novembre 2007, à Nouakchott.
En effet, le processus de rapatriement fait l’objet de manquements qui ont été dénoncés par les associations de réfugiés et les organisations de défense des droits de l’homme.
Il est, aujourd’hui de notoriété publique que les rapatriés mauritaniens, une fois de retour dans leur pays, n’ont nullement bénéficié, pour la plupart d’entre eux, de la part de leurs autorités politiques, d’un quelconque règlement des litiges nés des événements de 1989 et liés à leurs expulsions, à l’expropriation de leurs biens, de leurs terres de culture, de leurs bétails, de leurs habitations… ; et sans oublier que la question de la réintégration de nombreux fonctionnaires de l’administration, qui avaient été rejetés du corps des fonctionnaires avant d’être déportés, na pas été réglée. On peut affirmer sans se tromper que les rapatriés ayants droit n’ont reçu ni compensations, ni indemnités par rapport aux préjudices subis, et les restitutions de leurs biens extorqués n’ont pas été opérées pour l’essentiel. Par ailleurs, les attaques et les représailles sanglantes contre la communauté négro-africaine liées aux événement de 1989, qui ont fait des centaines de morts et provoqué l’exode et l’expulsion de plusieurs dizaines de milliers de personnes, n’ont fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire ou d’une quelconque enquête, de la part des autorités mauritaniennes, bien que le régime de l’ancien président de la république, Monsieur Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait recommandé, lors des journées nationales de concertation et de mobilisation pour le retour des réfugiés et sur le passif humanitaire de novembre 2007, la mise en place d’une commission nationale devant se pencher sur la question du passif humanitaire. Une recommandation complètement ignorée par les autorités putschistes du 6 août 2008 qui ont opté pour l’opacité concernant ce dossier, comme concernant, d’ailleurs, le dossier de l’élection présidentielle controversée du 18 juillet 2009. De toute façon, cela ne met pas fin à l’impunité concernant la question du passif humanitaire, car des plaintes ont été déposées à cet égard au niveau des tribunaux, en dehors de la Mauritanie, et d’aucuns ont jugés ces plaintes des victimes mauritaniennes des violations des droits de l’homme comme recevables. Les démarches des victimes s’inscrivent dans le cadre de la compétence universelle qui veut que des crimes commis dans un pays donné peuvent être jugés, par le tribunal d’ un tout autre pays, pourvu que ce dernier soit partie de la convention internationale admettant ce principe de compétence universelle .

Par ailleurs, nous tenons à souligner que l’un des manquements les plus criants dont sont victimes les rapatriés concernent les non-recouvrements de leurs citoyenneté pleine et entière, dans la mesure où dans leur très grande majorité, ils ne bénéficient toujours pas de pièces d’identité nationale qui leur permettent de circuler librement dans leur propre pays où ils sont perçus, encore, comme des étrangers. A cela, il faut ajouter le fait que sur leurs pièces d’état civil, il y est mentionné le terme de « rapatrié » qui visiblement leur colle toujours à la peau. Encore plus grave, une fois le rapatrié arrivé en Mauritanie et installé dans un site, il est assisté d’urgence pendant quelques mois, avant d’être livré à lui-même. Il doit se débrouiller tout seul, limité qu’il est dans ses déplacements dans la mesure où il ne bénéficie pas de pièce d’identité nationale pouvant lui permettre de se déplacer librement, ne serait-ce que pour chercher et trouver du travail. Bref, les rapatriés sont confinés dans leurs sites.
Quant aux conditions de vie des réfugiés mauritaniens au Sénégal, elles sont très difficiles, en raison de l’insuffisance de l’assistance médicale, sanitaire, scolaire et en raison des difficultés liées à l’insertion professionnelle, à l’habitat, au logement, à la nutrition…
Dans ce contexte, d’instabilité politique qui prévaut en Mauritanie et qui a conduit à une crise socio-économique sans précédent due aux sanctions internationales liées au coup d’état du 6 août 2008 et compte tenu des difficultés d’existence au Sénégal, Nous réfugiés mauritaniens au Sénégal demandons l’ouverture d’un dialogue sincère avec les autorités sénégalaises et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, afin que soient trouvées des solutions durables à nos problèmes, dans le respect des conventions internationales relatives au statut de réfugié. Aussi, nous demandons d’emblée, et dans la mesure où le rapatriement est un acte volontaire, à la communauté internationale et aux pays directement concernés par la question des réfugiés mauritaniens, à ce que les clauses de cessation mettant fin aux statuts des réfugiés mauritaniens ne soient pas appliquées. Nous demandons à ce que les garanties de sécurité internationale relatives aux processus de rapatriement des réfugiés soient observées en ce qui concerne les réfugiés mauritaniens. Le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, en tant que responsable de la protection des réfugiés mauritaniens au Sénégal est tenu de veiller à ce que ces garanties internationales soient respectées, pour ce qui est des rapatriements.
Nous espérons que cette présente déclaration sera entendue par toutes les bonnes volontés, afin de soulager le drame des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali qui perdure.

Le Coordonnateur : Moustapha Touré
Dakar, le 1 août 2009

Info Source : AVOMM.com

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