mercredi 29 juillet 2009

L'Edito du Calame : Perspectives / Ahmed O. Cheikh


La semaine dernière n’a cessé de bruire de rumeurs sur de profondes divergences entre le RFD et le FNDD, quant à la conduite à tenir, vis-à-vis de ce que Ould Daddah a qualifié de «putsch électoral». Quelques heures après l’invitation offerte, par Messaoud, à ses directeurs de campagne, le jeudi 23 juillet, et au cours de laquelle certains intervenants ont mis un peu trop d’eau dans leur zrig, en évoquant la victoire d’Aziz, le président du RFD monte au créneau.
Lui qui croyait qu’il était sur la même longueur d’onde que le FNDD! Il convoque, dans la précipitation, une conférence de presse pour lire un communiqué appelant les forces démocratiques à continuer la lutte, jusqu’à l’avènement d’une véritable démocratie, en Mauritanie. Pour ajouter à la confusion, le meeting conjoint que les deux parties comptaient organiser, le samedi 25 juillet, est annulé. Acuité politique ou signe avant-coureur de rupture? Surtout que le camp des putschistes amplifie les divergences, en donnant pour imminente la reconnaissance, par Messaoud, des résultats de la présidentielle. La nouvelle est, même, déjà fêtée, dans les rues de Nouakchott, par des concerts de klaxon. S’il réussissait ce coup, le clan du général aurait fait d’une pierre plusieurs coups: réduire l’électorat d’Ould Daddah à la portion congrue, en ne lui «concédant» que 13% des voix, en troisième position, derrière Messaoud; le séparer de ses amis de l’opposition et en faire un éternel mauvais perdant. Mais la mayonnaise n’a pas –encore? – pris.

Un courant, au sein du Front, celui-là même qui avait poussé Messaoud à s’allier aux militaires, en 2007, et dont la vocation première est d’empêcher l’opposition de parler d’une même voix, serait en train de mettre les bouchées doubles, pour que le FNDD fasse preuve de real-politik, reconnaisse la victoire d’Aziz et traite avec son futur gouvernement. Ces taupes, dont l’objectif principal est de provoquer une nouvelle rupture entre Ould Daddah et Messaoud, conformément aux souhaits de leurs commanditaires, ont failli atteindre leurs buts. N’eût été la vigilance de certaines composantes du Front qui, sentant le «danger», diffusent, tard dans la soirée du vendredi, une mise au point clarifiant la position du FNDD: la concertation avec le RFD demeure un impératif majeur, dans le contexte actuel.

Certes. Mais l’alternative politique, pour les forces d’opposition, n‘en est pas moins difficile, pour ne pas dire déchirante. Continuer le combat, en refusant l’ordre issu des urnes et la participation parlementaire? Pour Messaoud, c’est, dès le court terme, se couper d’une partie de ses soutiens. Mais c’est aussi, autant pour lui que pour Ahmed Ould Daddah – l’un fête, cette année, ses 66 ans, l’autre ses 67 – synonyme de quelle stratégie politique? Avec des leaders sans guère ou plus de perspective présidentielle, comment assurer la maintenance de partis politiques «hors-circuit»? Dans le second terme du choix, faire preuve de réalisme, rejoindre l’hémicycle, former une coalition de parlementaires, se battre contre un gouvernement en grand danger d’échec, tant catastrophique se présente la situation économique?

Mais, dans les deux cas, l’opposition à la force, fût cette dernière ornée, comme depuis le 18 juillet, de variablement valides bulletins de vote, doit reconcevoir son organisation, non plus centrée sur la probabilité de l’accession au pouvoir de tel ou tel de ses leaders, mais sur la culture, quotidienne, du droit. Messaoud et Ahmed ne seront, probabalement, jamais présidents de la République Islamique de Mauritanie. Atteindront-ils, néanmoins, à cette stature, mandelesque, inoubliable, de promoteurs infatigables de comportements citoyens, par l’intermédiaire de partis actifs sur le terrain, dans le quotidien des gens, leurs besoins, la nécessité d’organiser, au ras des dunes, des campements et des quartiers, des espaces et des temps de démocratie pratique? Une collectivité capable de s’organiser n’attend pas de sauveur. Elle se sauve elle-même. Elle ne mendie plus le poisson, elle le pêche. C’est à cela que les forces démocratiques doivent s’atteler, désormais. En s’enracinant dans le quotidien des gens, elles extirperont, à terme, le mirage dictatorial. Définitivement. Messaoud et Ahmed auront, alors, gagné. Ensemble. Sont-ils, aujourd’hui, capables de viser une telle perspective?


Ahmed Ould Cheikh
Le Calame n°700, du mercredi 29 juillet 2009



© Le Calame - Juillet 2009

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