mardi 28 juillet 2009

A quand un président noir en Mauritanie ? Par KANE Mamadou







Le conseil constitutionnel vient de valider l’élection de Ould Aziz à la présidence de la république malgré le recours des trois opposants, Ould Boulkheir, Ould Daddah et Ould Mohamed Vall qui entendaient protester contre des fraudes électorales. Ainsi il devient le 8ème président de la Mauritanie. Et sans plus tarder, Bâ Mamadou dit M’Baré, président mauritanien par intérim va rendre les clés du palais à son ancien locataire qui l’avait quitté seulement pour bluffer les bonnes consciences en démissionnant de ses fonctions de putschiste chef de l’Etat et chef du Haut Conseil d’Etat avant d’être candidat à sa propre succession. Cette période transitoire est passée presque inaperçue des médias . Et pourtant cet ancien opposant , rompu à la politique fut ministre sous le règne de Ould Taya avant d’être président du Sénat et le premier président noir de la Mauritanie, le 15 avril 2009. Servi par l’histoire, l’homme de Waly, village situé dans le sud-ouest du pays à la frontière avec le Sénégal, s’est montré très discret mais pas efficace tactiquement par rapport au rôle qu’il aurait dû jouer dans la vie politique en s’imposant comme un interlocuteur incontournable et un médiateur impartial dans la gestion extraconstitutionnelle de la Mauritanie .
Dans ce pays dominé jusqu’ici par l’élite arabo-berbére, les noirs y compris les Haratines ( anciens esclaves des maures) sont relégués au second plan, victimes de l’ ostracisme politique et économique du pouvoir maure.
Un fossé qu’il sera difficile de combler eu égard les tensions assez fréquentes entre les deux communautés, aggravées par des coups d’état militaire permanents depuis 1978. Le nouvel homme fort de Nouakchott a promis de régler le passif humanitaire qui découlait des tensions meurtrières et ethniques entre la Mauritanie et le Sénégal en avril 89 où des milliers de négro-mauritaniens essentiellement des Halpulaaren ont été séquestrés pour la plupart avant d’être déportés .
Dans cette chasse aux noirs , des centaines de militaires et civils ont été exécutés sommairement sous le régime de Ould Taya, actuellement en exil au Qatar. N’eût été la ruse du général avec la complicité de la France, les élections présidentielles du 18 juillet auraient pu être un test politique pour qu’enfin émerge un changement dans la gouvernance avec la possibilité qu’un noir préside un jour les destinées du pays .Un rêve que Messaoud Ould Boulkheir , candidat du FNDD pouvait bien réaliser le premier avant Ibrahima Moktar Sarr, le candidat du parti de l’alliance pour la justice et la démocratie.

2- Mauritanie : retour à la case de départ


C’est maintenant officiel Mohamed Ould Abdel Aziz a été élu le président de la Mauritanie, dès le premier tour , à l’issue des élections du 18 juillet. Le général qui avait troqué ses galons en échange de sa participation à des élections pluralistes a eu raison de son stratagème . Il en avait peaufiné les contours depuis son coup d’Etat du 6 août 2008 qu’il avait qualifié de mouvement de rectification. Tout le monde a été berné y compris les leaders de l’opposition qui ont surtout brillé par leur naïveté avec la complicité de la France derrière le vocable accord historique de Dakar, initié par le président sénégalais Abdoulaye Wade.
Ce tsunami électoral résulte du manque de préparation et d’un excès d’optimisme des principaux poids lourds de la vie politique et candidats malgré eux : Messaoud Ould Boulkheir, chef de file du FNDD( Front national pour la défense de la démocratie) arrivé pourtant en seconde position avec 16,29 pour cent des suffrages loin derrière le candidat Aziz avec52,58 , Ahmed Ould Daddah leader du RFD( rassemblement des forces démocratiques) qui a fait l’une de ses meilleures campagnes médiatiques mais avec 13,66 pour cent des voix, un net recul par rapport aux élections de 2007, Mohamed Vall ould Ely, candidat indépendant et tombeur de Ould Taya en 2005 et qui a obtenu un minable score de 3,81 pour cent des voix. Cette large victoire du président désormais de tous les mauritaniens signifie pour les perdants qu’ils ne peuvent pas vouloir le beurre et l’argent du beurre. Le piège s’est vite refermé sur leur gourmandise. Comment pouvaient-ils en espérer autrement en signant un accord express qui reconnaissait de fait le coup de force qu’ils ont toujours refusé ?
Comment en un laps de temps qui séparait l’accord des élections reportées au 18 juillet pouvaient-ils convaincre les populations qu’ils avaient un meilleur programme que leur challenger putschiste candidat ?
Enfin, tout le monde savait que toutes les conditions n’étaient pas réunies pour la transparence et le bon déroulement du scrutin ?
Il est évident que malgré leur contestation timide de ces résultats que le général va enfin diriger la Mauritanie pendant 5 ans au moins avec un bonus de 10 mois.
Le rôle historique de l’opposition est de résister en tirant d’abord des leçons de ce scrutin. En attendant, la voie est ouverte pour d’autres coups d’Etat, retour à la case de départ, c’est le principal enseignement de ces élections .Les dés étaient pipés au départ.

KANE Mamadou

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