dimanche 9 août 2009

Elections présidentielles : Fraude massive ou simples irrégularités ?



Pour expliquer le succès « inattendu » du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz au scrutin du 18 juillet 2009, certains de ses challengers ont parlé de fraude massive, de manipulations du fichier électoral et des résultats, de vote d’étrangers, de vote multiple des militaires et de propagande électorale dans les centres de vote et leurs alentours.

Certains orateurs de conférence-débat, comme à l’occasion de celle organisée par For Mauritania, ont estimé que cette fraude ne pouvait « faire l’objet d’aucun doute ». Président de la Commission Electoral Régional de la très emblématique et disputée région du Trarza, et donc acteur majeur chargé de la « supervision, du contrôle et du suivi » de cette élection, je voudrais apporter un éclairage sur ces questions. Je l’apporte en connaissance de cause.

D’abord le terme de fraude massive ne peut s’appliquer, depuis 2006, aux élections en Mauritanie à cause des garde-fous introduits dans notre code électoral : présence de la CENI, désignation par chaque candidat de deux représentants dans chaque bureau de vote (BV), présence d’observateurs étrangers et bulletin unique, entre autres.



Au Trarza, aucun représentant de candidat n’a été chassé d’un BV le jour du scrutin. Tous ont signé les Procès verbaux et ont reçu des extraits des PV sur lesquels ils ont eu la possibilité de mentionner leurs réserves.

Je ne peux pas parler valablement des supposées « manipulations » du fichier électoral n’étant pas compétent pour le faire. Par contre, avec les structures qui relevaient de mon autorité, nous avons bien recensé des dizaines de personnes qui se sont inscrites à l’occasion de la révision extraordinaire et dont les noms ne sont pas apparus sur la liste électorale.

Dans les circonstances normales, la loi donne un temps pour la correction. Or ce temps, exceptionnellement cette fois, n’a pas été trouvé. Quant à la manipulation des résultats, en parler dénote d’une méconnaissance, coupable pour un candidat à l’élection présidentielle, des procédures de collectes de ces résultats.

En 2006, et pour bien marquer la rupture avec les méthodes du passé, le Hakem, bien qu’organisateur du scrutin, a été exclu de la Commission de Recensement des Résultats (CRR). Celle-ci est présidée, dans chaque Moughataa, par un magistrat « qui doit rester en liaison avec le Président du Conseil Constitutionnel (art.25 du Décret N° 91-140 du 13 novembre 1991) et chaque candidat peut y envoyer un représentant (art.26 du même décret) qui a la possibilité de « demander, éventuellement, l’inscription au procès-verbal de ses réclamations ».

La CRR « totalise les résultats des communes », « consigne » ces résultats dans des procès-verbaux et en transmets 4, « sans délai », au Conseil Constitutionnel, au Ministère de l’Intérieur, à la CENI et au Wali.

Les autorités administratives locales, y compris le Wali, mise à part l’organisation matérielle de l’élection, ne sont en rien concernés par les résultats. A la limite, elles auraient pu aller dormir, leur tâche organisationnelle terminée. Si les Hakems sont restés, c’est parce que leur aide dans la consolidation des résultats est capitale, les magistrats manquant pour la plupart d’expérience dans ce domaine.

On désigne sous le vocable de « consolidation » toutes les opérations visant à corriger les erreurs de calcul fréquemment commises par les membres des BV. Ces corrections ne touchent pas aux résultats obtenus par les candidats. Parler de manipulation des résultats dans ce contexte est à mon avis hasardeux.

Le vote des étrangers est une affabulation. Et je n’ai cessé d’expliquer à la plupart des acteurs qui l’ont soulevé, dont Madame la députée de Rosso et Monsieur Mohamed Abderrahmane Ould Seiboutt (Représentant régional du candidat Ely Ould Mohamed Vall), qu’il existe pour moi deux situations.

Ou bien les personnes qu’ils me signalent sont réellement des étrangers, c'est-à-dire ne disposant pas de Cartes Nationales d’Identité (CNI) et n’étant pas inscrites sur la liste électorale. Dans ce cas, je n’ai pas à m’inquiéter puisque le Bureau de Vote va les rejeter.

Ou bien ces personnes sont titulaires de CNI et sont inscrites sur la liste électorale. Dans ce cas, ce sont des mauritaniens et je veillerai à ce qu’ils puissent jouir de leurs droits même s’ils viennent du Sénégal ou de Chine. Il faut noter qu’aux présidentielles, contrairement aux élections législatives et municipales, le pays tout entier constitue une seule circonscription.

Avec Madame la députée de Rosso, le ton de la discussion est monté plus d’une fois. A son insinuation que ces personnes pourraient avoir acquis de manière frauduleuse leurs pièces d’état civil, j’ai rétorqué qu’il ne rentrait pas dans la mission de la CENI d’enquêter sur la manière dont les gens ont obtenu leurs pièces d’état civil mais de veiller, tant qu’ils les ont, à ce qu’ils jouissent des droits que ces pièces leur offrent. C‘est un euphémisme que de dire que ma réponse n’a pas paru plaire à Madame la députée.

La question de la fermeture de la frontière a été évoquée au cours de la réunion de sécurité consacrée au jour J de l’élection. Quelques chefs de sécurité ont suggéré l’idée de fermer la frontière comme le Sénégal l’a fait, ont-ils rappelé.

J’étais pour ma part hostile à cette idée car, ayant été président en 2006-2007 d’une région, le Guidimakha, doublement frontalière (avec le Mali et le Sénégal), je sais par expérience que des mauritaniens établis de l’autre côté de la frontière, ou simplement en déplacement temporaire, voudront revenir pour accomplir leurs devoirs civiques. Le Wali a proposé de toucher le ministre de l’Intérieur. La réponse de ce dernier était qu’il ne fallait pas fermer la frontière afin de ne pas empêcher les mauritaniens qui le désirent de traverser pour aller voter. La frontière ne fut pas fermée.

S’agissant du vote militaire, il s’est passé exactement le contraire de ce qu’affirment les contestataires des résultats des élections. Le 17 juillet 2009, la CENI a rappelé aux autorités administratives compétentes, par l’intermédiaire d’une note adressée au Premier Ministre, la « procédure de vote des personnels militaires ». L’application stricte de cette procédure a empêché toutes les unités déplacées pour les besoins du service de voter. Il y’avait dans chaque Moughataa du Trarza une unité déplacée.

Si cela peut consoler les militaires, ils n’étaient pas les seuls à être ainsi privés de jouir de leurs droits à cause d’un déplacement. Il faut compter aussi dans ce cas les éléments des structures de la CENI en déplacement hors du lieu du BV où ils sont inscrits, les directeurs de campagne des candidats et leurs staffs, les chauffeurs (de location ou de service), les missionnaires du Conseil Constitutionnel, etc.

A toute cette population d’électeurs, il faut penser à trouver une solution.

Enfin la propagande aux alentours des BV le jour du scrutin est un fait réel. Toutes les parties y ont recours. Ces activités de propagande visent essentiellement à encadrer les sympathisants des candidats en leur rappelant la position de leur poulain sur le Bulletin de Vote et la manière de valider celui-ci. Je pense que ces attroupements doivent être tolérés tant qu’ils ne troublent pas l’ordre public et qu’ils restent en dehors de l’espace vital du BV (500 à 600m).

Il reste à préciser deux choses. La première est que la CENI n’est pas, malheureusement pour les contestataires, outillée pour détecter les OVNI, la magie ou les procédés chimiques.

La deuxième est qu’il faut chercher le succès de Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz non pas dans une « fraude massive » dont on ne peut pas apporter la preuve, mais dans une campagne de proximité intelligente 10 mois durant, avec les moyens de l’Etat et le discours de l’opposition.

Ahmed Jiddou ALY







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Info source : Ahmed Jiddou Aly

1 commentaire:

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