jeudi 13 août 2009

L'Edito du Calame : La nouvelle guerre / Ahmed Ould Cheikh










Quelques jours après son investiture, au cours de laquelle il a échafaudé, sommairement, les grandes lignes de son action future et avant même que son gouvernement ne soit désigné, Ould Abdel Aziz vient d’être rappelé à la dure réalité du moment : un kamikaze a explosé, à quelques encablures de l’ambassade de France.
Le terrorisme, qui nous a déjà coûté des dizaines de vies humaines, à Lemghaity, El Ghallaouiya, Aleg et Tourine, vient frapper à nos portes, au cœur de la capitale. Et avec des armes inouïes, dans un pays réputé pour son islam tolérant. C’est la première fois, en effet, qu’un terroriste (djihadiste, salafiste ou intégriste, ce ne sont pas les mots – systématiquement à connotation islamique, cependant – qui manquent, pour désigner ce genre d’individus) muni d’une ceinture d’explosifs tente, dans sa folle aventure, d’attenter à la vie de citoyens étrangers. Le mandat présidentiel, qui commence ainsi sous les plus mauvais auspices, sera-t-il, du coup, celui de la lutte anti-terroriste? Ould Abdel Aziz, justement partisan d’un tout sécuritaire qui lui a valu le soutien, à peine voilé, de l’Occident, aura-t-il assez de temps et de moyens, à défaut d’hommes capables de le suppléer, pour mener à bien ce combat de trop? N’a-t-il pas des dizaines d’autres chantiers sur lesquels on l’attend et où l’échec n’est pas permis?

Il n’est donc nul besoin d’être devin pour prévoir combien ce qui s’annonce, pour le «nouveau» locataire du Palais ocre, ressemble, à s’y méprendre, aux travaux d’Hercule. Il faut plus que de la bonne volonté ou des promesses, pour redresser une économie moribonde, assainir la gestion du pays, améliorer les services de base, et, pour ajouter à l’ampleur de la tâche, affronter un danger qui nous guette depuis quelques années. Contre lequel nos responsables de la sécurité ne peuvent, apparemment pas, grand-chose. Et pour cause! Ils sont plus enclins à faire de la politique et à ameuter les électeurs, au profit de leur candidat, qu’à s’occuper d’un domaine qui demande une vigilance de tous les instants.

Le danger terroriste, qui a provoqué bien des déboires à des pays autrement plus puissants et mieux organisés que le nôtre, risque, si l’on n’y prend garde, de devenir un cauchemar, aussi bien pour les dirigeants que pour les simples citoyens, confrontés, pour la première fois, à un péril qui n’arrivait qu’aux autres. Imaginez un instant que ce kamikaze – ou son manipulateur – ait eu l’idée de déclencher les explosifs, en plein meeting de la campagne électorale qui vient, juste, de s’achever. Le carnage aurait, alors, pris des proportions dramatiques. Et il n’est pas sûr que l’élection aurait eu lieu. Devrait-on se réjouir, en l’absence d’un tel scénario, que les «fanatiques» n’aient visé, apparemment, «que» les étrangers, les Français, en particulier mais sans distinction, dont le gouvernement a appuyé, très tôt, Ould Abdel Aziz? Faut-il y voir, au demeurant, un lien de cause à effet? Depuis l’affaire du foulard, la France n’est-elle pas dans la ligne de mire du fort trouble Al Qaida Maghreb? Ce qui est sûr, c’est que depuis cet attentat, plus rien ne sera comme avant.

La guerre est là et bien là. Nous menace tous. Guerre de longue haleine, multiforme, sujette à toutes les manipulations, tant étrangères que nationales, avec des connotations mafieuses, voire géopolitiques, fort éloignées des affiches religieuses… Quoiqu’il en soit, le combat se situe, d’abord, sur le terreau même de ces manipulations : la misère, l’injustice sociale, la débauche, la corruption. Attendu sur tous les fronts – un comble, tout de même, pour un stratège, que d’en ouvrir plusieurs à la fois – le président de la République semble avoir bien du souci à se faire…

Quant à nous tous, peuple de Mauritanie, n’attendons pas les hypothétiques résultats de ses préoccupations : renforçons nos liens, refusons tout discours d’exclusion, vivons, dans la proximité de notre quotidien, dans la paix qui fait de nous une communauté respectueuse d’autrui.


Ahmed Ould Cheikh
Le Calame n°702, du mercredi 12 août 2009


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vos commentaires et réactions sont bienvenus. Nous vous prions cependant d'éviter insultes et propos contraires à la morale et à la loi. Le Blog se réserve le droit de retirer tout texte enfreignant à ces règles.