mardi 14 avril 2009

".... la Mauritanie s’isole lentement..." Edito par M. Fall Oumère




Chaque fois que l’un de nous sort de la Mauritanie, il ne peut que se lamenter sur le sort de notre pays, sur notre sort. Si vous traversez la frontière avec le Sénégal ou le Mali, vous êtes tout de suite frappé par l’activité des gens. Vous voyez rarement des jeunes désœuvrés, assis à ne rien faire.

Femmes et hommes marchent, courent parfois, portent quelque chose, labourent, défrichent, coupent… on le sent, les gens triment, ils luttent pour vivre. Ils occupent leurs vies.

Si vous allez au Maroc ou en Algérie, en Tunisie et même en Libye, vous êtes déjà dans un autre monde qui ne ressemble en rien à nous. Le niveau intellectuel et technique est de loin supérieur au nôtre. Là aussi on ne peut qu’être frappé par l’activité des gens.

Au sud comme au nord pourtant, ce sont des pays qui se battent contre la pauvreté, le chômage, les misères de toutes sortes, parfois conséquences de la mauvaise gouvernance parfois de la rareté des ressources, souvent de la conjugaison de facteurs endogènes et exogènes.

Au sud comme au nord, il y a une profonde prise de conscience de la crise qui secoue le monde et dont les effets seront catastrophiques pour des économies comme les leurs… les leurs… parce que nous n’avons pas d’économie pour en parler. Qu’est-ce que nous produisons ? Du fer, du poisson, du bétail, un peu de pétrole, de cuivre et d’or.

Le fer nous a nourris pendant longtemps. La Société nationale industrielle et minière (SNIM) est devenue la vache laitière de l’Etat. Elle subit trop de pressions. Qu’elle a supportées par le passé mais auxquelles elle ne peut faire face dans la conjoncture actuelle. Si les autorités ne donnent pas les moyens et le temps de souffler, nous pourrons bientôt faire son deuil.

On peut toujours reprocher à la SNIM de toujours faire la même chose (extraction et exportation du fer), de toujours produire les mêmes quantités (aux alentours de dix millions tonnes). On peut toujours se dire qu’au premier coup d’essai, le Sénégal voisin s’apprête à en produire 20 millions de tonnes. Mais il restera que la Mauritanie doit beaucoup à la SNIM et qu’elle en vit encore.

Le poisson… entre les mauvais accords – avec les Chinois, dans une moindre mesure les Européens – et les mauvaises politiques, le secteur s’est perdu. Est perdu pour la Mauritanie. Quelques hommes d’affaires ont eu de quoi construire ou acheter des demeures ailleurs. Quelques fonctionnaires véreux ont amassé des fortunes colossales qu’ils ont ensuite dilapidées pour la plupart. Cela a coûté à l’Etat qui n’en a pas véritablement profité.

Industrie de pêche ? non. Flotte mauritanienne véritablement conséquente ? non. Pourtant qu’est-ce qui n’a pas été dépensé durant les trois dernières décennies ! Ce n’est certainement pas les atermoiements et l’inconséquence actuels qui redresseront la barre. Au contraire, par irresponsabilité notoire, le secteur a été poussé à sombrer davantage. Assez pour que son sauvetage éventuel soit encore plus difficile, voire impossible.

Le pétrole… le cuivre… l’or… on en entend parler. A peine on a commencé à exploiter ces richesses, de multiples scandales ont été révélés. De l’affaire Sterling à celle des avenants en passant par les conditions d’octroi des permis de recherche et d’exploitation. A chaque niveau, corruption et bradage des intérêts nationaux. Depuis dix ans.

A telle enseigne que nous avons l’impression que les décideurs ont bouffé la richesse par anticipation. Ce n’est pas pour rien que le mauritanien moyen ne parle pas – ou très peu – de ces richesses comme atouts pour le futur. Quelque part, nous nous sommes convaincus que leur exploitation ne servira pas le pays.

Il ne reste rien. Sous la transition, nos partenaires économiques et financiers, notamment le FMI – avaient aidé la Mauritanie à redresser la barre et à éviter la banqueroute de l’Etat. Ce fut le retour sur les faux chiffres, les engagements sur la transparence, l’adoption de politiques d’austérité dans le train de vie de l’Etat, les contrôles de gestion… cela a produit des résultats notoires. Mais il y a eu une conspiration nationale pour en dénier les effets positifs. C’était pour refuser au gouvernement de transition de prétendre à un résultat positif. Péché monumental et capital.

Depuis la fin de la transition, le pays est en pente raide. Et s’il a survécu jusqu’au 6 août, c’est principalement grâce à l’image/ressource que lui procurait l’expérience «démocratique» qui lui avait donné le premier pouvoir régulièrement élu (Parlement, Président…). On est loin de là. Ni les politiques n’ont pu construire sur les acquis ou consolider la démocratie, ni les militaires n’ont pu s’empêcher d’exercer directement le pouvoir.

Ni les uns ni les autres ne pensent aujourd’hui à l’avenir immédiat du pays. Tous sont braqués sur le pouvoir et sur les moyens de le détenir. Pendant ce temps, la Mauritanie s’isole lentement, s’enfonce inexorablement…

Mohamed Fall O Oumère

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