dimanche 12 avril 2009

Le faux suspense du général Abdel Aziz


 

 
Le général putschiste mauritanien est décidément un fin stratège politique de haute gamme. Il sait créer l’événement, en donnant à tous l’impression de tout céder alors qu’en réalité il ne lâche vraiment rien. L’homme qui est arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat, le 06 août dernier, et qui préside depuis lors aux destinées de la Mauritanie, vient d’annoncer qu’il démissionnerait, et cela avant la date du 22 avril prochain. Et cette démission concerne deux fauteuils : celui présidentiel et celui de chef du Haut Conseil d’Etat, organe qu’il a apporté avec lui dans ses valises lors du putsch, il y a 8 mois. 

                                                        

Et beaucoup s’interrogent : alors il démissionne ? Il lâche tout ? Vrai de vrai ? pour aller où, et pour quoi faire ? A toutes ces questions, l’homme reste volontiers évasif de même qu’il entretient un flou artistique dont on imagine qu’il est savamment planifié et calculé. Car tout ce qu’on aura pu obtenir de lui, en guise de réponses à toutes ces interrogations, est qu’il "réfléchit" à une éventuelle candidature pour la présidentielle du 06 juin 2009. Et cette façon de faire est tout bénéfice pour lui : il cède à l’une des exigences les plus impérieuses de la communauté internationale, lâche du lest face au front anti-putschiste et se prépare en réserve un avenir politique des plus certains.


Et tout cela en réalisant la prouesse de ne pas avoir formellement dit à qui que ce soit qu’il avait l’intention d’entrer en lice pour la présidentielle à venir. Pour un militaire en politique, il faut le lui reconnaître, il sait calculer et manoeuvrer à perfection. On se rappelle les propos du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, sur la crise mauritanienne : "Le Général Mahamed Ould Abdel Aziz doit démissionner au moins 45 jours avant l’élection présidentielle s’il souhaite s’y présenter". Dont acte. Le général a vite compris qu’obéir à l’injonction de ce qui résume l’opinion de l’ensemble de la communauté internationale lui permet à la fois de se réconcilier avec le concert des Nations et de rester en adéquation avec ce que stipule la Constitution mauritanienne, ne serait-ce que de façon symbolique.

Mais ce symbole-là vaut son pesant d’or : au cas où il choisirait de se présenter à la présidentielle du 6 juin, nul ne serait en mesure de lui faire le reproche de n’avoir pas respecté la Constitution de son pays. Ce qui le réhabilite sans doute aux yeux de l’opinion internationale. Et c’est d’ailleurs le cas de figure qui a de fortes chances de se présenter. Et pour cela, existe une kyrielle de raisons. On imagine fort mal que Mohamed Ould Abdel Aziz refuse de s’aligner pour la présidentielle. Certains de ses adversaires politiques l’accusent déjà d’être, de fait, en campagne. Et selon toutes les apparences, l’homme ne semble pas être arrivé au pouvoir de la manière que l’on sait, pour en repartir si vite.

Il en est aussi qui ont toujours vu en lui le véritable faiseur de rois dans le pays, et cela depuis belle lurette. Si tel était le cas, il ne serait pas saugrenu de croire que l’envie lui vienne un jour de vouloir tenir lui-même la barre au lieu de toujours la confier à quelqu’un d’autre que lui. Et ce, d’autant plus que, et il faut le mettre à son actif, il aura su, depuis sa prise de pouvoir, se faire accepter par une bonne frange de la population mauritanienne, par la batterie de mesures politiques et sociales qu’il aura prises et qui l’auront rendu appréciable, populaire et sympathique. Le 22 avril représentant une date butoir, le général a encore le temps de réfléchir et de peaufiner sa stratégie, en l’étudiant sous toutes les coutures et en soupesant, dans les moindres détails, sa faisabilité. Au cas où il n’ignore pas que l’opposition ne saurait se satisfaire de quoi que ce soit venant de lui.

Elle a toujours réclamé sa démission et la restitution du pouvoir à celui à qui le général l’a arraché. C’est clair et bien net. Abdel Aziz, pour cela, et pour d’autres raisons, sait qu’il peut redouter un certain boycott des élections prochaines. Et que cette opposition est d’autant plus courroucée qu’elle n’est même pas en mesure de lui reprocher ouvertement un quelconque report desdites élections. Mais tout cela rend-il la démission promise par le général, sûre et certaine ? Que nenni ! Si d’aventure, quelque couac de dernière minute lui fait subodorer que quelque danger pourrait quelque part menacer ses arrières en cas de démission, nul doute que le général saurait faire la pirouette qu’il faut, se dédira si nécessaire et trouvera les arguments de circonstance pour se justifier et s’accrochera à ses deux fauteuils qu’il clame aujourd’hui vouloir quitter. Et c’est en cela aussi que se trouve la différence avec Dadis Camara de la junte guinéenne : ce dernier s’est interdit à lui-même ainsi qu’à quiconque de sa junte, la possibilité d’entrer en lice pour la présidentielle à venir.

Abdel Aziz aura, fort précautionneusement, pris soin de faire le chemin inverse. Et tout semble indiquer que tout naturellement il est en route pour se faire élire le 6 juin prochain. Disposant, pour sa campagne, des ressources et de l’appareil d’Etat, et bénéficiant de la confiance ainsi que de l’appui de l’armée, on ne voit pas comment cela pourrait se passer autrement. Mais le général putschiste peut se convaincre d’une chose : une démocratie vraie, à l’instar d’un bon arbre, se reconnaît aussi aux fruits qu’elle produit. Plus, elle ne saurait s’accommoder de déguisements à l’infini. Et c’est à cette aune que lui et ses amis politiques seront sans doute, un jour, jugés.





Note : Source : "Le Pays" (Burkina Faso) - Le 10 Avril 2009

2 commentaires:

  1. La raison du peuple est inaliénable

    Le rénovateur

    Après avoir déposé le président démocratiquement élu, le Général Mohamed Ould Abdel Aziz se prépare à un deuxième holdup, sous couvert d’un scrutin présidentiel auquel ne participera pas un candidat de l’opposition traditionnelle. Aziz s’absentera du palais ocre pour un court laps de temps, en attendant de le réinvestir de nouveau, lui et ses hommes de confiance, à la suite d’une victoire à la Phurius qui se prépare. Ba M’baré, son intérimaire ne sera là, que pour combler le vide institutionnel, avant de rendre les clés de la maison à son locataire, une fois revenu de son congé. Pendant ce temps, le Font anti-putsch, multiplie les appels en faveur du rétablissement du président déchu dans ses fonctions. Un appel qui tombe dans des oreilles sourdes. Rien ne semble pouvoir freiner la détermination d’un homme, qui a su mettre à profit 8 mois d’une transition, pour faire accepter à une partie de l’opinion son fameux mouvement de « rectification ». La communauté internationale a beau brandir les menaces de sanctions et autres pressions pour infléchir la position du Général. Rien n’y fait, Mohamed Ould Abdel Aziz est toujours égal à lui-même. La seule concession qu’il est prêt à négocier, c’est de se mesurer avec un candidat qui accepte de l’aider à « blanchir » son coup de force par la voie des urnes. Il veut livrer avec une poignée de soi-disant prétendants à la présidence, une petite bataille en vue de légitimer un plébiscite qui se fera sans coup férir. Mais ce qu’Aziz ne veut pas admettre, c’est la restitution d’un pouvoir auquel il est prêt pour tout. Une partie de l’armée adhère à ce forcing sans véritablement mesurer les risques que cela peut faire encourir au pays. Rien n’est plus dangereux que l’usage de l’armée par un homme pour assouvir ses instincts politiques. Le Général doit savoir qu’avant lui, d’autres ont fait recours à l’armée pour se maintenir au pouvoir. Ils ont fini par le quitter par la petite porte. Le seul pouvoir qui offre des garanties de sérénité c’est celui qui émane de l’expression du peuple. Or, pour le moment, le peuple n’a mandaté personne pour parler en son nom. Ceux qui prétendent le faire «se jouent» de son destin et doivent assumer les conséquences de leurs actes. Ce qui se passe actuellement en Mauritanie ressemble bien à une manipulation du peuple par des individus qui croient avoir raison d’agir de la sorte, pour se hisser au sommet de l’Etat. Ils ne feront malheureusement qu’accentuer les souffrances du peuple et conduire la Mauritanie vers une destination hypothétique. Non, cette volonté est injuste et illégitime. La Mauritanie n’a pas besoin de faux monnayeurs et de faux apprenti-sorciers qui ont participé au pillage de la République, fussent-ils du pouvoir ou de l’opposition. On ne peut pas prétendre bâtir un pays sur du précaire. Les urnes ont déjà parlé, personne ne peut leur arracher leur vérité. Ceux qui s’évertuent à imposer leur diktat se laisseront piéger par l’illusion d’une force qu’ils n’incarnent pas. La raison du peuple est la seule qui compte.



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  2. Cette candidature n'a surpris personne. Il ne fait que chercher à légitimer un pouvoir qu'il dont il a toujours été le véritable détenteur.

    Kodda

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