jeudi 9 avril 2009

Mauritanie : Sarkozy réécrit le putsch





Mauritanie : Sarkozy réécrit le putsch

DESINTOX

«Est-ce qu’on a vu souvent un coup d’Etat sans manifestation et sans protestation, si ce n’est celle de la France ? Il n’y a pas eu un député, un parlementaire qui a protesté» déclarait Nicolas Sarkozy, le 27 mars, à propos du putsch en Mauritanie. Une Intox très remarquée en Afrique.

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CÉDRIC MATHIOT

Nicolas Sarkozy et le Président de la République du Congo Denis Sassou Nguesso, la veille de la

Nicolas Sarkozy et le Président de la République du Congo Denis Sassou Nguesso, la veille de la conférence de presse du 27 mars. (REUTERS)

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Intox.

C’est une tradition sarkozienne: chaque visite sur le continent africain suscite son lot de polémiques. Après l’affaire du discours de Dakar sur l’«homme africain» en juillet 2007, le président Français a de nouveau choqué lors de son dernier séjour africain. Il a notamment livré, lors d’une conférence de presse au Niger le 27 mars, une vision très approximative du putsch qui a renversé en août le président-élu mauritanien, Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Interrogé sur l’attitude de la France vis-à-vis de ce coup d’Etat, Sarkozy a déclaré : «Est-ce qu’on a souvent vu un coup d’Etat sans manifestation et sans protestation, si ce n’est celle de la France ? Lorsque le président démocratiquement désigné a été retenu, moi-même j’ai appelé, mais force est de constater qu’il n’y a pas eu un député, un parlementaire qui a protesté et qu’il n’y a pas eu une manifestation.» Des propos qui ont doublement choqué ; parce qu’ils totalement faux, et qu’ils ont été aussitôt interprétés comme entérinant de facto le coup de force de la junte du général Mohamed Ould Abdelaziz.

Desintox.

Primo, le putsch, que Sarkozy décrit comme une «non-affaire» sur le plan international a été dénoncé avec fermeté par la communauté internationale dans son ensemble. Les Etats-Unis et l’Union africaine l’ont immédiatement condamné. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, également. Il est encore plus étonnant que Sarkozy oublie la position de fermeté prise par l’Union européenne (qu’il présidait alors). Laquelle UE n’a pas changé d’avis depuis puisqu’elle a suspendu hier ses relations avec le nouveau régime de Nouakchott : les aides européennes, qui avaient été gelées juste après le coup d’Etat, sont officiellement suspendues.

Sarkozy minore avec les mêmes œillères les réactions suscitées par le putsch au niveau local. «Des manifestations ont lieu depuis l’été dernier. Elles ont été réprimées, parfois brutalement», affirme Alain Antil, chercheur à l’Institur français des relations internationales, responsable du département Afrique subsaharienne et spécialiste de la Mauritanie. Il est tout aussi faux d’affirmer qu’aucun député ni parlementaire mauritanien n’a protesté. Quatre partis politiques se sont unis pour dénoncer le coup de force. «Une partie des députés et des sénateurs se sont ralliés à la junte, mais ce n’est pas du tout la totalité», assure Alain Antil. Au lendemain des propos de Sarkozy, Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée mauritanienne et dirigeant de l’Alliance populaire et progressiste disait sa «surprise». Ould Boulkheir, qui a condamné le putsch, a dû être d’autant plus étonné d’entendre dans la bouche de Sarkozy qu’aucun parlementaire n’a réagi qu’il a fait une halte en France lors de la tournée qu’il a entamée pour dénoncer le coup de force. Il avait été reçu par son homologue, Bernard Accoyer.

Cette sortie de route de Sarkozy a été d’autant plus remarquée qu’elle marque une rupture avec la position officielle de fermeté du Quai d’Orsay jusqu’à présent. D’où le soupçon que cette vision d’un putsch «bien accepté» (et donc acceptable) aurait été soufflée à Sarkozy par certains conseillers qui, hors du cadre de la cellule diplomatique de l’Elysée, continuent de peser sur la politique africaine et s’arrangeraient bien du nouveau pouvoir en Mauritanie. Et certains de rappeler que Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, a reçu le 20 février des responsables de la junte. Deux jours après la conférence de presse, le président de l’Assemblée mauritanienne dénonçait clairement, derrière les propos de Sarkozy, les «tractations et manipulations d’une certaine Françafrique qui, bien qu’obsolète et anachronique, ne désespère toujours pas de renaître de ses cendres». Sur RFI, début avril, il était encore plus explicite. «Ce n’est un secret pour personne qu’en France, il y a la Françafrique qui fait des pieds et des mains pour faire accepter, par la France officielle, le coup d’Etat. Donc nous pensons qu’on a induit, volontairement, le président de la République en erreur et c’est très grave.»

Sarkozy, sur ce coup-là, n’aurait été menteur qu’à l’insu de son plein gré?

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